Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
non datée 1815

Le général Decaen a été arrêté avant-hier à 5 h du matin dans son lit et mené à l'abbaye. On en ignore les motifs. Les autres généraux Colbert, Belliard ... qu'on disait devoir relâcher après l'affaire de Ney , sont toujours en prison et l'on ne sait pas comment finira leur affaire.
Que je suis heureuse de te savoir en sûreté et en liberté. J'ai remis à Mme de ... les deux lettres pour ta cousine car tu ne m'as pas donné de direction pour les envoyer. Elle a dû les faire partir à l'adresse d'un tiers. Cette pauvre cousine est en voyage, c'est ce qui fait apparemment qu'elle n'écrit point, je n'ai rien à t'envoyer aujourd'hui.
Apprends bien l'anglais ; pour te remettre les mots dans la tête, il te suffira de lire un ou deux ouvrages dans cette langue. Que je me félicite d'avoir été une mère barbare et de t'avoir mis dans cette école anglaise , toi pauvre petite créature qui n'entendait pas un mot de ce qu'on y disait . Je t'avais repris là, et jeté dans un pays allemand, nous en ferons autant à Auguste, pauvre petit ! Je ne sais si je te l'ai déjà écrit , mais l'autre jour il est rentré tout colère parce qu'il avait froid et m'a demandé : "Pourquoi fait-il froid quand il fait soleil ?"
Ah mon Dieu ! on m'apporte mon journal, le tribunal a confirmé l'arrêt contre ce pauvre M. de La Valette, il n'y a plus d'espoir que dans la grâce, on s'en flatte, j'en doute ! et je suis sûre, mon enfant, que nous sommes malheureux !
Je t'embrasse.
Lord L... me charge de te direque son beau-frère peut t'être fort utile pour t'éclairer sur le prix de toute chose.
On m'assure que les lettres que je t'envoie par le courrier ne coûtent rien à ceux à qui je les adresse par Frementel (?) les tiennes ne lui coûtent rien non plus.
Ah, que je suis triste !
Je t'embrasse de toute mon âme. Papa te dit mille choses. Il est plus mélancolique que jamais, et je n'ai plus eu de quoi le distraire ; nous passons des heures à nous regarder sans parler et à soupirer.
Enfin, tu es en sûreté et j'en remercie le ciel.
Dis à lord Holland qu'il devrait s'abonner au journal de Gand (?) c'est là où il verra nos affaires . Il est fort attendu en France.
Puisque tu es à Holland House, est-ce que tu ne crains pas d'y ... Restes-y tant que la situation ...
Adieu, cher ami, je t'aime de toutes les forces de mon âme.

retour à la correspondance de Mme de Souza-Flahaut



 

dernière modification : 26 décembre 2019
règles de confidentialité