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La Comtesse d'Albany
Lettres inédites de Madame
de Souza (et d'autres...)
(Le Portefeuille de la comtesse d'Albany : 1806-1824,
par Léon-G. Pélissier)
avec l'autorisation de
Les annotations
(en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les
passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier
; "Néné" est le surnom que Mme de
Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils
; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits
en rouge ; l'orthographe ancienne est respectée.
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lettre de Madame de Souza
à la comtesse d'Albany
Paris, 1815
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Si quelque chose
avait pu me mettre en colère contre vous, ma chère amie,
c'est la lettre que j'ai reçue de vous du 14. Comment vous, qui me connoissez,
pouvez-vous me dire que j'ai pardonné les conquêtes, parce
que je n'y voyois que de l'avancement et de l'argent pour mon fils ? Ce seroit un sentiment indigne que, grâce au ciel,
je n'ai jamais senti. Et quant à l'argent, l'invasion du Portugal
m'a plus ruinée que jamais. Charles ne pouvoit avoir de fortune
par la guerre. Ces guerres, qui pouvoient me l'enlever et causoient
tant de malheurs, m'étoient odieuses. Et j'avoue que je ne m'attendois
pas trouver à cette phrase dans une lettre de vous. Elle m'a
blessée, affligée et je suis sûre que vous serez
fâchée de me l'avoir écrite.
Quant à
votre amour de la vengeance, je ne puis croire que vous l'éprouviez
si vif que vous me le dites, mais du reste je ne disputerai point sur
ce sentiment ; et dans votre lettre, ma chère amie, comme dans
toutes choses, je trouve fort sage aujourd'hui d'être comme cet
homme qui disoit : "Je ne m'intéresses qu'à ce qui
me regarde."
[Je ne disputerai
ni ne discuterai même point sur la politique. On m'a calomnié,
la calomnie passera. Si elle ne passe pas, moi je passerai ; et au dernier
jour, ce qui importe, c'est de n'avoir jamais causé un moment
de peine à personne : c'est ce que je pourrai dire à Dieu
qui, du moins, voit le fond des coeurs.]
Néné n'est point avec votre ex-passion. (Hortense de Beauharnais.
Mme d'Albany avait-elle assez de délicatesse pour comprendre
l'amertume ironique de cet ex-passion ?) C'est encore une gentillesse du
moment pour lui faire de la peine à elle comme femme. Adieu,
ma chère amie, j'attendois M La Neuville pour enlever les tableaux
: je ne sais pourquoi il n'est pas venu.
Je crains bien
qu'il n'y aie un coin de la caisse qui n'ait été gâté
par les Cosaques qui ont logé chez moi, car ils y ont un jour
jettés de l'huile. Je me suis fort fâchée, mais
ils n'en ont fait que rire. Ce que je puis vous assurer, c'est que j'en
ai été mille fois plus fâchée que si cette
caisse eût été à moi. Mais comme l'huille
a été essuyée tout de suite j'espère qu'elle
aura peu pénétré.
La duchesse de
Devonshire est très aimable, et je l'ai vue ici avec un grand
plaisir.
Adieu, ma chère
amie, je vous aime et vous regrette bien sincèrement. [Quand
la furie de l'esprit (S.-René Taillandier, loc. cit., p.88
a lu fièvre) de parti sera passée, j'espère
que vous viendrez voir Paris. Mmes vos soeurs et vos amis le désirent
bien vivement ; pour moi vous en êtes bien sûre, et mon
petit dîner et la casa prendront un air de fête pour vous
recevoir.]
Mille complimens à M Fabre.
[Le portefeuille de Mme d'Albany]
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