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La Comtesse d'Albany
Lettres inédites de Madame
de Souza (et d'autres...)
(Le Portefeuille de la comtesse d'Albany : 1806-1824,
par Léon-G. Pélissier)
avec l'autorisation de
Les annotations
(en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les
passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier
; "Néné" est le surnom que Mme de
Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils
; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits
en rouge ; l'orthographe ancienne est respectée.
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lettre de Madame de Souza à la comtesse d'Albany
Paris, le 23 octobre 1817
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[Je suis furieuse,
ma très chère amie, il y a plus de six semaines que je
vous ai écrit en vous envoyant un exemplaire de notre édition
de Camoëns. M de Souza a remis ma lettre et le volume dans une
caisse adressée au comte Funschal, que le chargé d'affaires
de Portugal ici a promis de lui faire passer. Je croyais le tout arrivé
à sa destination, lorsqu'hier j'ai appris que ce Monsieur avoit
encore cette caisse chez lui, en attendant, avec une patience toute
portugaise, qu'il eût à envoyer un courrier en Italie.
Croyez bien, ma très chère amie, que vous avez été
une des premières personnes à qui j'ai pensé, ainsi
que mon mari, pour envoyer cet ouvrage qui a très bien réussi,
et qui, véritablement, est le plus bel ouvrage qui soit sorti
des presses françaises. Il n'y en aura aucun exemplaire de vendu.
C'est une espèce de monument que mon mari a voulu élever
à sa patrie et au poète qui a si bien célébré
les tems de la gloire portugaise. Il n'a fait tirer que deux cents exemplaires
(et, entre nous, cela lui coûte plus de 60.000 francs) il compte
en donner à toutes les bibliothèques et académies
des deux mondes, et en offrir à ses plus chers amis ou aux particuliers
qui auront de belles bibliothèques. A tous ces titres, vous deviez
avoir le premier exemplaire, et, grâces à ce Monsieur,
malgré tous mes soins, les voilà encore à Paris
: et Dieu çait combien ils y resteront ! Enfin je suis furieuse,
d'autant que j'espère que M Fabre sera content des gravures.
Je vous demande de lire le dernier paragraphe de l'avertissement et
la vie, qui est de mon mari ; avec l'italien, ce vous sera facile.
M de Souza en a
envoyé un exemplaire au roi et aux grandes bibliothèques
ici. Sa Majesté l'a accepté et fort admiré. Pendant
trois jours il l'a montré à tous les courtisans, avouant
que rien d'aussi beau n'étoit sorti des presses françaises.
Voilà, j'espère, un succès ! et d'autant plus flatteur
que MM les courtisans ne s'y attendoient pas.]
Après, ma
très chère amie, que vous aurez entendu toutes mes colères, je veux vous parler de Néné. Il s'est rendu
très populaire en Ecosse, et il compte y passer l'hiver, ce qui
sera très bien fait. Sa femme et lui me paraissent fort heureux.
Lord Keith n'annonce encore aucun retour vers sa fille, mais tous ses
parens et amis voyent et aiment les nouveaux mariés ; c'est déjà quelque chose. Adieu, ma très
chère amie. Croyez toujours à mon plus tendre attachement.
Revenez donc nous voir. Votre soeur (Mme d'Arberg) mène
une vie bien triste ici. M et Mme de Lobeau sont dans une terre en Belgique,
et l'on ne pense guère à rappeller ceux qui sont inscrits
sur cette seconde liste, qui a été faite bien légèrement
chez M de Talleyrand. certes, M de Lobeau, qui n'a rejoint Napoléon
qu'à Paris et après le départ du roi, n'est pas
plus coupable que cent mille autres, (Le général Lobau
avait été commandant de la première division militaire
et pair de France pendant les Cent jours ; il avait glorieusement résisté
à Waterloo avec 6000 hommes aux 30000 de Bulow, et avait été
fait prisonnier et emmené en Angleterre. C'étaient bien
des titres à être compris dans l'ordonnance du 24 juillet.
Il ne fut autorisé à rentrer en France qu'en 1818 et fut
mis en non-activité le 1er janvier 1819.) dont plusieurs même
sont employés actuellement. Enfin si vous veniez ici, peut-être
le feriés vous effacer de cette terrible liste et rendriés
vous cette pauvre petite jeune femme à sa mère et à
son pays. Elle est grosse de son troisième enfant, et comme Paris
et Bruxelles lui sont également déffendus, elle sera encore
obligée d'accoucher à la campagne avec bien peu de secours
si elle étoit malade. Je ne sais pas si c'est que je deviens
tout à fait vieille, mais les pauvres jeunes femmes m'intéressent
beaucoup plus que leurs maris, et même les charmantes, comme Mme
votre nièce, me touchent plus que les laides et maussades.
[Adieu encore,
ma très chère amie, vous connoissés mon ancien
et parfait attachement pour vous. Que je serai contente de vous revoir
et de vous avoir encore à notre petit dîner ! Mille complimens
à M Fabre.]
[Le portefeuille de Mme d'Albany]
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