La Comtesse d'Albany
Lettres inédites de Madame
de Souza (et d'autres...)
(Le Portefeuille de la comtesse d'Albany : 1806-1824,
par Léon-G. Pélissier)
avec l'autorisation de
Les annotations
(en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les
passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier
; "Néné" est le surnom que Mme de
Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils
; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits
en rouge ; l'orthographe ancienne est respectée.
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lettre de Madame de Souza
à la comtesse d'Albany
Paris, le 22 décembre 1810
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D'abord, ma chère amie,
je vous dirai que je croyais qu'il fallait affranchir les lettres pour
Florence et je ne regrettais pas cette légère dépense
pour vous porter plus sûrement les assurances de mon tendre attachement.
Que je me sens aise que vous soyez
un peu mal loin de nous ! A présent je ne regrete plus votre
voyage, parce que Florence vous serait toujours resté dans l'esprit
comme un lieu de délice, du moins, à présent, aucun
souvenir ne troublera le comfortable de votre résidence
avec nous.
Je suis bien fâchée
des emplettes de ce M Dubois. Dieu veuille qu'il n'ait pas acheté
cette vierge offrant au divin enfant une guirlande de fleur sur une
table de marbre blanc. L'éloge qu'en a fait M Fabre me la fait
désirer soir et matin, à la première et dernière
pensée. Ce n'est plus trop romanesque, mais c'est malheureusement
tout ce qui m'occupe.
Ma santé est assez bonne,
mais nous avons un hiver de pluye, de brouillards et de ces ciels gris
qui portent la mort dans le coeur. Je serai un peu contente de voir
Florence par L Fabre (sic). Je le remercie de sa petite lettre,
de son souvenir et je le remercie encore de travailler : c'est le seul
bonheur sans mélange. Son talent vaux mieux que celui des auteurs.
Il n'a pas les épreuves, les points, les virgules, enfin toutes
ces désolations qui dessèchent l'esprit. Lui est dans
le beau idéale et sait en donner le sentiment aux autres.
Toute la casa vous offre
respects et hommages sans nombre. Charles, tout comme s'il était Néné,
prend la liberté de vous embrasser, et moi, ma très chère, je vous aime, je vous embrasse
de toute mon ame.
L'empereur a acheté le tableau
de François Premier quinze mille francs. En tout les petits tableaux
se sont assez vendus. Les grands qui ne sont point portraits restent,
je crois, dans les ateliers. On en est venu à n'aimer que les
sujets gracieux. (Cette opinion paraît assez peu justifiée
par les tendances générales de la peinture à cette
époque)
Déterrez-moi donc des Carlo
Dolce que vous dédaignez et qui iront à mes moyens comme
à ma chambre. Laneuville a mis Charles dans le train d'acheter
des tableaux. Il manquait ce goût à son penchant à
la dépense. Ce qui m'amuse, c'est qu'il dit, en se frottant les
mains : "C'est ma mère qui m'a fait verser de ce côté." Il est vrai que Charles ne penche pas, il verse.
Quatre mille francs dans les Louis
de Bavière seront très bien placés à Paris
où l'on aime le zinzlin. (Allusion que je ne saurais expliquer)
M Fabre a-t-il trouvé son
Agar ? Enfin, ma très chère, mandés-moi s'il est
dans les greniers d'Italie des trésors cachés, dignes
de mon appartement.
Encore adieu et affetion pour toute
ma vie.
[Le portefeuille de Mme d'Albany]
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