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La Comtesse d'Albany
Lettres inédites de Madame
de Souza (et d'autres...)
(Le Portefeuille de la comtesse d'Albany : 1806-1824,
par Léon-G. Pélissier)
avec l'autorisation de
Les annotations
(en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les
passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier
; "Néné" est le surnom que Mme de
Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils
; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits
en rouge ; l'orthographe ancienne est respectée.
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lettre de Madame de Souza à M Fabre
le 9 février 1824
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Que je vous plains,
Monsieur, et que je sens profondément la perte que vous avez
faite, la perte qui nous frappe tous. Car où trouver une pareille
amie, si bonne, si indulgente, si prompte à sentir les peines
des autres ? Je la regretterai toute ma vie, et je l'aimais de tout
mon coeur. Je ne crois pas que dans tout le cours de la sienne, elle
ait jamais fait une chose, elle ait jamais dit un seul mot qui puisse
affliger qui que ce soit.
Je voudrais savoir
si ma pauvre amie a bien souffert, si on a pu lui cacher les approches
de ce dernier moment si affreux, et auquel la nature répugne
toujours, malgré tout le courage et toutes les réflexions
dont on s'est armé pendant sa vie. Enfin, Monsieur, si vous ne
pouvez pas écrire, dictez un mot pour moi à la première
personne que vous aurez sous la main ; mais parlez-moi d'elle, mon coeur
en a besoin. Parlez-moi aussi de vous. Quelle longue et douce habitude
rompue, sans que rien puisse jamais en faire retrouver le fil ! Il semble
que tous les jours, toutes les heures, la vie enfin, soit comme arrêtée
; oh ! je sens tout cela. Soyez bien convaincu, Monsieur, que l'ami
de ma bonne et chère amie ne me trouvera jamais insensible à
tous ses intérêts [et qu'il me faut de vos nouvelles, comme
si réellement je pouvois lui en donner.] J'attends donc un mot
de vous avec impatience, [avec un vif intérêt], car je
crois que moi seule sent bien ce que vous souffrez.
Je lui avais écrit
au jour de l'an (Le 23 décembre 1823, Voir supra, lettre
329.), je lui exprimai tous les voeux que je faisais pour sa
santé, pour son bonheur. Hélas, je parlais de son retour,
j'étais bien loin de penser que jamais, jamais je ne la reverrais.
A-t-elle reçu
ma lettre ?
Mais je m'arrête,
Monsieur, je ne veux point ajouter à votre peine par celle que
j'éprouve. Donnez-moi de vos nouvelles, parlez-moi de ma pauvre
et bonne amie, et recevez l'assurance de l'intérêt le plus
sincère.
A. DE SOUZA
[Le portefeuille de Mme d'Albany]
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