|
La Comtesse d'Albany
Lettres inédites de Madame
de Souza (et d'autres...)
(Le Portefeuille de la comtesse d'Albany : 1806-1824,
par Léon-G. Pélissier)
avec l'autorisation de
Les annotations
(en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les
passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier
; "Néné" est le surnom que Mme de
Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils
; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits
en rouge ; l'orthographe ancienne est respectée.
|
|
lettre de Madame de Souza à la comtesse d'Albany
Paris, le 14 août 1811
|
|
Qu'il y a longtemps que je n'ai
reçu de vos nouvelles ! Je m'inqiette sur votre santé,
car pour notre amitié, ma bien chère amie, ni l'éloignement,
ni même le silence n'y peuvent rien. Je suis bien sûre de
rester dans votre coeur comme vous êtes dans le mien, c'est-à-dire
avant tout ; - Charles
cependant excepté, que j'aime avant moi, que j'aime avec cet
intérêt de surveillance qui ne laisse pas un moment de
calme.
Tandis que vous, ma bonne amie,
je m'appuie sur votre coeur, sur votre amitié, pour me consoler si même
il me fesoit jamais de ces peines involontaires, qu'il m'a déjà
si souvent causé. Sa santé toujours faible ! la guerre
si souvent meurtrière, voilà de ces tourmens qui m'ont
vieillie avant l'âge.
Donnez-moi de vos nouvelles : voilà
le premier chagrin que vous me faites. Je ne vous parle pas de ce premier
juin dont je me fesois une si grande fête : j'ai passé
condamnation, mais je n'entendrai à aucune raison pour le premier
de may, je vous en préviens.
Le change est à 18 aujourd'huy,
ce Roi d'Angleterre se défend ; cependant, il paraît certain
qu'il ne peut pas en revenir. (Georges III ne mourut qu'en février
1820)
Je ne sais si je vous ai dit qu'une
dame s'est avisée de faire une fin à Eugénie
et Mathilde. Je vais donc me voir passer comme si j'étais
morte, ca faire une fin, c'est dire que j'aurais dû en faire une.
Je vous enverrai ce chef d'oeuvre dès qu'il paraîtra.
Charles est à Bourbonne bien souffrant. Que dittes-vous des douceurs que se disent Mme de Genlis
et les journaux ? (Sur les querelles de Mme de Genlis et ses inimitiés
littéraires, voir ses Mémoires, et notamment V, p.278
et suiv., et VI, p. 191-192) Ne vaudrait-il pas mieux ourler
mes torchons que cela ?
Mon mari est dans une mélancolie
qui m'inquiette pour sa santé. Rien ne peut le distraire. Cependant,
mon affection, ma douceur s'y employent à chaque instant du jour.
Comme il faut que je vous aime pour oser vous dire ma douceur, et faire
ainsi, sans y penser, mon éloge : mais c'est qu'il est vrai de
dire qu'attentive sur moi-même, je cherche tout le jour ce qui
peut lui plaire et le sortir de ses idées noires. Ma bonne amie,
quand donc viendrez-vous dîner à la casa ? C'étoit là mes jours de fête ; mais du moins pendant
l'absence, donnez-moi de vos nouvelles.
Mille et mille complimens à
M Fabre. Je le regrette bien aussi, et j'aurai bien du plaisir à
le revoir. Mon côté va assez bien. La casa vous offre respect
et hommage d'éternel attachement.
[Le portefeuille de Mme d'Albany]
|