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La Comtesse d'Albany
Lettres inédites de Madame
de Souza (et d'autres...)
(Le Portefeuille de la comtesse d'Albany : 1806-1824,
par Léon-G. Pélissier)
avec l'autorisation de
Les annotations
(en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les
passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier
; "Néné" est le surnom que Mme de
Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils
; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits
en rouge ; l'orthographe ancienne est respectée.
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lettre de Madame de Souza à la comtesse d'Albany
Paris, le 25 août 1811
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Ma très bonne amie, c'est
aujourd'hui le 25, jour de votre fête, je voudrois la chômer
avec vous, et ne vous ayant pas, je réunis aujourd'huy les vieux
de la casa pour boire une petite goute de l'alchermès à
la santé et au bonheur de ma chère Louise. Avec quel coeur
je vous embrasserois si vous étiés ici. Je crois que je
vous ferais une chanson, moi qui n'ai jamais su rimer, tant je sens
que je serois heureuse.
Le grand bavard m'a dit que vous
reviendrés peut-être cet hiver, et je lui ai su un gré
tel de cette bonne parole que toute la déplaisance qu'il me donne
s'en est effacée. Je l'aime un peu depuis ce moment.
Néné
est à Bourbonne, et il se trouve fort bien de la seconde saison
des eaux : la première l'avait trop éprouvé. Il
a pris, ce n'est pas un goût, mais une rage de lecture. Ainsi
le voilà tel que vous le désiriez. Il est seul aux eaux,
et il lit toute la journée. Il lit à en avoir mal aux
yeux, et tout ce qu'il désire actuellement, c'est une petite
maison de campagne où il puisse vivre tranquille. Mais il croit
que c'est moi qui ne m'accommoderois pas de la solitude, comme si moi
ne me rangerois pas facilement à tout.
Nous n'avons aucune nouvelle. On
attend d'heure en heure la mort du roi d'Angleterre. (On sait
que cette atente fut déçue) Je pense que, si son fils
lui succède, vous pourriez peut-être avoir la pension entière
qu'avait le cardinal votre beau-frère (Cette pension avait été
fixée par Lord Hawkesbury à 1600 livres sterling le 22
octobre 1807. Madame d'Albany à la mort du roi Georges eut la
dignité tardive de ne pas solliciter d'augmentation.) Et cela me seroit une vraie joie, car je voudrais que vous eussiez tous
les agrémens de la vie.
Papa (Cette appellation familière
désigne M de Souza. Voir la lettre précédente) tombe tout à fait dans la mélancolie ; j'ai vraiement
peur qu'il n'y succombe. Dieu sait cependant si je ne voudrais pas prendre
la moitié de ses peines pour le soulager, car prendre le tout
seroit impossible : d'abord à présent elles ne sont que
trop cuisantes et trop justes pour qu'il puisse les secouer, mais c'est
qu'avec son caractère il n'en auroit point de réelles
qu'il s'en feroit.
Ma très chère amie,
voilà le jour de l'an qui vient. Le Carlo est pour
mes étrennes de l'année passée. Je n'entends point
que ce soit mes étrennes de cette année ; [il m'en faut
d'autres, et je vous demande votre portrait par M Fabre. Je vous en
prie, je vous le demande comme ce qui me fera le plus de plaisir. ne
dites pas non. Monsieur Fabre, je vous en supplie, forcez-la à
se tenir, et donnez-moi, cette bonne, cette franche expression du plus
excellent coeur qui fut jamais. Vous me ferez le plus vif plaisir, je
vous en supplie. Votre talent et son portrait, je serai mille fois contente.
C'est à vous, M Fabre, que je fais cette prière, ne vous
laissez point dire de ces phrases : "A mon âge, quelle folie
! etc." Je l'aime, je le veux comme elle est, et mon amitié
n'a point besoin des parures de sa jeunesse. Je la veux bonne, comme
elle était quand elle venait me voir. Enfin, je vous prie tous
deux : ne me refusez pas. Je le désire tant, je vous en supplie
si bien de tout coeur que j'y compte pour mes étrennes.]
Mon excellente amie, écrivez-moi
donc. Vous m'oubliez, ou mes lettres ne vous sont-elles plus envoyées
? Il n'y a de bon cependant que les assurances de mon parfait attachement
pour vous, ma chère amie, et il durera jusqu'à ma dernière
heure. Toute la casa vous offre hommage et respect. Nous allons bien
parler de vous, bien boire à votre santé, ma bonne et
chère amie.
[Le portefeuille de Mme d'Albany]
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