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La Comtesse d'Albany
Lettres inédites de Madame
de Souza (et d'autres...)
(Le Portefeuille de la comtesse d'Albany : 1806-1824,
par Léon-G. Pélissier)
avec l'autorisation de
Les annotations
(en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les
passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier
; "Néné" est le surnom que Mme de
Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils
; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits
en rouge ; l'orthographe ancienne est respectée.
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lettre de Madame de Souza à la comtesse d'Albany
Paris, le 24 septembre 1813
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On dit que Madame
votre soeur (Le mari fort ignoré de Mme d'Arberg avait
continué à résider à Bruxelles) est très affligée de la mort de son mari, ma très
chère amie, et surtout de n'avoir pas été près
de lui dans ce dernier moment, qui d'ailleurs a été si
court qu'il a dû être peu douloureux. Aimiés-vous
votre beau-frère ? Le regrettés-vous beaucoup ? Dites-le
moi pour que je m'en afflige, car il me semble que son grand âge
et sa mauvaise santé préparoient depuis longtems à
cet événement toujours si pénible pour les autres.
Je ne l'ai pas encore vue, mais je vais dîner lundi à Malmaison, (Mme de Souza écrit ici encore en abrégé : M..m...) et je lui ai demandé en votre nom de me recevoir
un petit moment. Je vous manderoi comment elle est.
Je vous dirai pour
nouvelles que ce matin nous avons scu que le comte Leobo a remporté un grand avantage. (Le comte de Lobau avait reçu le commandement
du corps de Vandamme après la défaite de celui-ci et était
chargé de défendre la chaussée de Peterswalde au
camp de Piron.) J'en suis d'abord très contente pour
la chose, mais aussi parce que c'est lui : car de ma vie je n'oublierai l'intérêt qu'il
a témoigné à Charles. Il peut bien se dire qu'il y
a dans ce petit coin de la rue Verte une personne qui prendra toujours
un intérêt bien vif à tout ce qui le touchera. Je
n'ai même pas besoin qu'il soit votre neveu pour cela, ce qui
cependant ne nuirait pas.
Néné
continue à se porter à merveille. Il supporte très
bien les fatigues de la campagne. Cependant si je suis trois jours sans nouvelles,
je suis aux champs. Mais vous qui connoissés mon coeur, vous
n'en doutés pas. Le jour de la battaille de Dresde (Le 27 août
1813), il fut envoyé le matin dans un clocher de la ville
pour découvrir les dispositions de l'ennemi ; et devinnez qui
il trouva dans ce clocher : M de Schulembourg (Frédéric-Albert
de Schulenbourg (1772-1853), le diplomate et littérateur saxon,
qui représenta la Saxe au Congrés de Vienne.), arrivant
de Rome ! Jugés de l'étonnement de part et d'autre. Bon
jour, et bon soir, et les voilà de nouveau à des distances
infinies.
M de Narbonne (Louis
de Narbonne-Lara (1755-1813), sur le quel les Souvenirs contemporains
de Villemain sont pleins de curieuses pages, avait été
aide de camp de l'empereur en Russie, et chargé de mission lors
du Congrés de Pragues. Il mourut cette année même
à Torgau, d'une maladie gagnée à soigner les soldats
malades entassés dans cette ville.) est nommé
gouverneur de Torgau. A son âge, il est mieux là qu'ailleurs,
quoiqu'il ait supporté les fatigues de la dernière campagne
comme le plus jeune et le plus gaillard.
Adieu, ma bonne,
mon excellente amie, parlés de moi à M Fabre et dites-vous
que personne au monde ne vous est plus tendrement attachée que
votre amie Adèle.
La casa vous dit
mille choses.
Bertrand (Ce
médiocre Bertrand, familier de Mme de Souza, est-il le même
abbé que ce Bertrand qui dirigeait l'instruction élémentaire
des enfants de la reine Hortense ?) est aussi au moins navré
que papa. Je crois que le projet de M. G., pour votre Italie cet hiver,
s'en ira en fumée. Mme Kleine dit que vous viendrés au
printemps. J'en aurai une joie que je ne puis vous exprimer.
Je suis persuadée
que M Fabre a regretté cette jolie petite fille du duc de Feltre (La duchesse de Feltre écrivit à Fabre, après
la mort de cette petite fille, une lettre fort touchante.),
qui est morte après des souffrances inouïes. Je ne me fais
pas d'idées des déchiremens de coeur que l'on doit éprouver
en perdant son enfant. Je n'ose pas y porter ma pensée.
Adieu encore, ma
bonne, bien bonne amie, que j'aurois besoin de vos visites de midi dans
ce tems d'inquiétude ! Je vous aime, je vous embrasse de toute
mon âme, ma toute bonne, toute parfaite amie.
[Le portefeuille de Mme d'Albany]
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