p.256 à 258
Le 17 novembre, jour fixé pour la discussion de cette proposition
(contre-révolution), les tribunes du corps diplomatiques, de
la maison du président de la République, et des journalistes,
sont surchargées de spectateurs bien avant l'ouverture de la
séance. Le général Magnan, l'air grave et soucieux,
occupe avec ses aides de camp la tribune de l'état-major ;
les rangs de l'Assemblée se garnissent rapidement ; les ministres
sont à leur banc avant que le président Dupin monte
à son fauteuil. Le général Saint-Arnaud, affectant
une assurance railleuse, la tête un peu penchée sur l'épaule
droite, la main gauche dans l'ouverture de son habit bleu boutonné,
traverse lentement l'espace qui sépare le banc des ministres
de la place occupée par M de Morny. Le nom de la mère
de ce personnage qui avait choisi pour armoiries une fleur d'hortensia
barrée, était bien connu ; les événements
que tout le monde croyait prochains et auxquels on le supposait destiné
à prendre la part la plus directe, attiraient au plus haut
degré l'attention publique sur M de Morny. Né à
Paris dans un des plus beaux hôtels de la rue Cerutti (Aujourd'hui
rue Laffite), emmené le lendemain même de sa naissance
à Versailles, confié à un ancien noble qi lui
donna son nom et son titre en le reconnaissant pour son fils, il resta
toujours l'objet des soins et de la surveillance de son véritable
père.
Madame de Souza, mère de M de Flahaut, mariée au ministre
de Portugal, était femme du monde et femme de lettres, joignant
aux qualités de la femme du monde quelques-uns des défauts
de la femme de lettres ; elle fut chargée cependant de veiller
sur l'éducation du jeune de Morny. Elle aimait beaucoup le
jeu, elle y perdit une somme de 200 000 francs, que la reine Hortense
avait donnée à son pupille. C'est ainsi que le jeune
de Morny entra pauvre dans la vie. M de Flahaut n'avait d'autre fortune
que celle de sa femme, qui ne voulut jamais admettre le jeune Morny
dans sa maison. La fréquentation du jeune Carbonnel, ancien
aide de camp du général Flahaut, auquel ce dernier aimait
à le confier, aurait pu exercer une heureuse influence sur
le caractère du jeune homme. Le général Carbonnel
voyait beaucoup le monde honnête et libéral de la monarchie
de Juillet ; devenu chef d'état-major de la garde nationale
de Paris, fort lié avec Lafayette, il conduisit souvent le
jeune de Morny au château de Lagrange, où le pupille
de madame de Souza recevait le plus affectueux accueil de l'hôte
illustre dont il devait plus tard faire emprisonner les petits-fils
et les gendres.
p.296
... Les arrestations terminées, le palais législatif
occupé, M de Morny se rend au ministère de l'intérieur,
accompagné du général de Flahaut, son conseiller
intime, de Leopold Lehon et de M Achille Boucher, homme de bourse,
ses deux secrétaires. M de Thorigny, ministre de l'intérieur,
brusquement réveillé, apprend qu'il a un successeur.
M de Morny s'asseoit à son bureau en face de la petite machine
qui fait mouvoir les fils du télégraphe : le coup d'Etat
a sa main sur la France.
p.324-325
Le maréchal Jérôme Bonaparte, sa fille, madame
Mathilde Demidoff-Bonaparte, M de Flahaut, M de Persigny et plusieurs
généraux se trouvaient depuis le matin à l'Elysée
; quelques-uns de ces personnages, réunis en conseil privé,
décidèrent, après l'arrivée des dragons,
qu'il était indispensable que M Louis Bonaparte se montrât
à la population. La scène de l'orangerie de Saint-Cloud,
dans laquelle le général Bonaparte avait fait une si
triste figure, attestait le danger de l'intervention personnelle de
l'organisateur d'un coup d'Etat sur le théâtre de l'action,
mais il était habile de s'y montrer dans les entr'actes pour
encourager les acteurs. M Louis Bonaparte, docile à ces conseils,
sortit à cheval de l'Elysée par la grille du jardin,
suivi d'un cortège assez nombreux. Le maréchal Jérôme
Bonaparte se tenait à sa droite, le maréchal Narvaez,
en uniforme couvert de broderies d'or, à sa gauche ; derrière
s'avançaient le maréchal Excelmans, les généraux
Saint-Arnaud, Magnan, de Flahaut, Roguet, Wast-Vimeux, Daumas, Lawestine,
Le Pays de Bourjolly, le colonel Murat, les officiers d'ordonnance
Fleury, de Béville, Edgar Ney et Lepic. Le cortège avait
fait à peine quelques pas hors du jardin, qu'une alerte assez
vive se répandit dans ses rangs ; heureusement, il ne s'agissait
que d'une erreur des vedettes du 12è régiment de dragons
qui, trop fidèles à leur consigne, donnaient mal à
propos l'alarme aux avant-postes. Le cortège, un moment arrêté,
reprit sa marche et se dirigea vers les Tuileries, en suivant la place
de la Concorde et le rue de Rivoli. Vieyra, qui attendait M Louis
Bonaparte à l'entrée du guichet de la cour du Carrousel,
et qui l'accompagna jusqu'à sa sortie, reçut de nouveau
l'ordre d'empêcher à tout prix qu'aucun garde national
ne sortît en uniforme.
p.333-334
... Le Moniteur, distribué de bonne heure, apprenait
aux habitués des cagés la formation d'une commission
consultative, composée de :
MM. Abattucci, d'Argout (gouverneur de la Banque), le général
Achard, le général de Bar, le général
Baraguey-d'Hilliers, Barbaroux, Baoche, Barthe, Ferdinand Barrot,
de Beaumont, Benoit-Champy, Bérard, Bineau, Boinvilliers, Boulay
de la Meurthe, de Cambacérès, de Casabianca, l'amiral
Cécille, Chadenet, Chassaigne-Goyon, Chasseloup-Laubat, Charlemagne,
Collas, Daiste, Denjoy, Desjobert, Drouyn de Lhuys, Th. Ducos, Dumas
(de l'Institut), Maurice Duvaal, le maréchal Excelmans, le
général d'Hautpoul, Léon Faucher, le
général de Flahaut, Achille Fould, H Fortoul,
Frémy, de Gaslonde, de Greslan, de Lagrange, de Lagrenée,
Granier, Augustin Giraud, Charles Giraud (de l'Institut) Godelle,
de Goulard, de Heeckeren, Lacaze, Lacrosse, Ladoucette, de Lariboisière,
Lebeuf, Lefebvre-Duruflé, Lemarrois, Leverrier, Magne, Maynard
(président de chambre à la Cour de cassation), de mérode,
de Montalembert, de Morny, de Mortemart,
de Mouchy, de Moustier, Lucien Murat, le général d'Ornano,
Pepin-Lehalleur, Joseph Périer (régent de la Banque),
Persigny, le général Randon, Rouher, le général
de Saint-Arnaud, Ségur d'Aguesseau, Seydoux, Suchet s'Albufera,
de Turgot, de Thorigny, Trolong (premier président de la cour
d'appel), Vieillard, Vuillefroy, de Wagram.