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Revue des Etudes historiques (79ème année)
(article de Ch. Gailly de Taurines)
Fin de la liaison entre Charles de Flahaut et la reine Hortense
Séjour de la reine Hortense à Aix
avec l'aide de
... Monseigneur, écrivait le 14 août
le baron Finot au ministre de la police générale (alors
duc d'Otrante), M. le lieutenant général, comte de Flahaut,
est arrivé hier à Aix-les-Bains muni d'un passeport de
Votre Excellence. Lorsque ce passeport lui a été délivré,
vous ignoriez sans doute, Monseigneur, le contretemps qui a déterminé
Mme la duchesse de Saint-Leu à se rendre à Aix. Peut-être
cette circonstance déterminera-t-elle, de la part de Votre Excellence,
un changement de dispositions relativement au séjour à Aix, soit de Mme de Saint-Leu, soit de M. de Flahaut.
Personne aujourd'hui n'igore la liaison que, dans le désarroi
de son coeur, ne pouvant vivre avec son honnête mais insupportable
mari, la reine Hortense avait contractée avec le comte de Flahaut.
"Pour Hortense, dit M. Frédéric Masson, ce fut un
engagement sérieux, où l'on trouve des sentiments profonds,
quelque chose de définitif d'une union raisonnée, contractée
après réflexion et devant durer toute la vie. Quant à
Flahaut, si l'on doit l'en croire, c'est pour lui comme un mariage de
convenance ; il en a pesé les avantages, en a d'avance éprouvé
les effets sur sa fortune et il est lié par la reconnaissance
autant et plus que par l'amour." (Frédéric Masson,
Napoléon et sa famille, t. VI, p.287)
Cette reconnaissance même put-elle survivre au malheur ? "Monseigneur,
écrivait au ministre le baron Finot, le lendemain même
de sa première lettre..., je me suis rendu hier à Aix,
j'ai fait parler à Mme de Saint-Leu de la convenance qu'il y
aurait, pour ses propres intérêts, à ce que M. de
Flahaut prît de lui-même le parti de s'éloigner d'Aix
pendant le temps qu'elle y résiderait. Cette observation a été
sentie ; M. le comte de Flahaut a dû quitter Aix ce matin."
(Arch. nat., F7 6890, dossier 6434, pièces 35 et 36, police
générale, dossier Flahaut. Cette pièce ainsi que
beaucoup de celles qui figurent en cette étude m'a été
indiquée par l'aimable et érudit M. Léonce Grasilier,
auquel je suis heureux d'adresser tous mes remerciements.)
Ce fut la dernière fois peut-être qu'Hortense vit le comte
de Flahaut. Retiré en Angleterre, celui-ci ne tarda pas à y contracter un avantageux mariage. (Mémoires de Mlle Cochelet,
t. III, p. 172. Voy. aussi Froment. La Police dévoilée,
2 vol. in-8°, 1829, t. I, p. 173.)
Au lieu d'une demeure officiellement choisie, comme naguère,
par les autorités, la princesse fugitive avait dû, cette
fois, se contenter de la première maison qui s'était trouvée
libre, "mal située et assez laide", dont le seul avantage
- fort grand, du reste, pour une mère tendre comme Hortense -
était une vaste cour où ses deux enfants, le petit Louis
(Oui-Oui, ainsi qu'on l'appelait en famille) et Napoléon, son
aîné, pouvaient jouer aux soldats avec quelques enfants
du voisinage.
En cette morose demeure, l'une après l'autre, comme les coups
successifs d'un glas funèbre, les plus lugubres nouvelles vinrent
frapper l'ex-reine : Lavalette arrêté le 20 juillet, Brune
massacré le 1er août, La Bédoyère arrêté
le 2, condamné le 14, exécuté le 19 ; Ney arrêté
le 11, et enfin, le 17, le vaisseau qui emportait Napoléon et
sa gloire faisant voile vers Sainte-Hélène !
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