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Retraite de l'amée austro-russe
sur l'Aube. - Conférences de Lusigny
p.215-216
L'armée austro-russe continuait sa marche rétrograde vers
l'Aube. - Schwartzenberg avait demandé un amistice, et Lusigny
avait été le lieu désigné pour ouvrir des
conférences à ce sujet. - La question militaire était
trop simple en elle-même pour présenter de grandes difficultés
; mais la politique s'était emparée de la négociation
et l'avait singulièrement compliquée.
"Dans ces pourparlers, l'ennemi ne se proposait qu'une suspension
d'armes ; mais Napoléon, portant ses vues plus loin, cherchait
à profiter de l'occasion pour poser les bases de la paix définitive.
Il désirait garder Anvers et les côtes de la Belgique :
c'était le prix qu'il se promettait de ses derniers succès.
Mais Anvers était pour l'Angleterre la négociation tout
entière ; et, par l'influence anglaise, cette concession devait
être obstinément refusée au congrés de Châtillon.
Il était dès lors indispensable de faire traiter ce point
sur un autre terrain. Anvers devait perdre de son importance aux yeux
désintéressés des généraux russes,
autrichiens et prussiens : Napoléon s'était donc proposé
de faire préjuger la question dans la conférence militaire
de Lusigny ; mais tant qu'elle serait indécise, il ne voulait
pas se priver, par une trève prématurée, des avantages
que la poursuite des Autrichiens semblait lui promettre pour compléter
la défaite des alliés. Aussi l'armée française
n'avait-elle pas cessé de pousser les Autrichiens l'épée
dans les reins."
Le quartier général ennemi rétrogradait jusqu'à
Colombey ; la garde russe était en retraite sur Langres ; le
corps de Lichtenstein, sur Dijon. Les souverains alliés s'étaient
retirés à Chaumont en Bassigny ; nos troupes s'emparaient
de Lusigny au moment où les commissaires pour l'armistice s'y
réunissaient. cette occupation militaire de Lusigny avait même
donné lieu à des difficultés dès les premiers
pourparlers ; mais de plus graves obstacles s'étaient élevés
bientôt après, lorsqu'on en était venu à disputer la ligne de l'armistice.
Les généraux ennemis avaient proposé le statu
quo des deux armées.
"Le général Flahaut, commissaire français,
conformément à ses instructions, avait demandé
que la ligne s'étendît depuis Anvers, où était
le général Carnot, jusqu'à Lyon, où était
le duc de Castiglione. Cette ligne devait placer les forces de la France
sur un seul front, depuis l'Escaut jusqu'aux Alpes. Les commissaires
russe et prussien, affectant de se mettre hors de l'influence des derniers
événements, trouvaient que c'était payer trop cher
quelques délais dont l'armée autrichienne avait besoin
pour reposer ses colonnes. Le général autrichien était
plus conciliant ; mais, par suite de la forme diplomatique que les conférences
avaient prise, chaque commissaire s'était trouvé dans
la nécessité de demander de nouvelles instructions, et
le temps se perdait à les attendre."
Cependant les moments étaient précieux, et de nouveaux
événements allaient compliquer les embarras déjà si graves de la guerre et de la politique.
En conséquence, vous vous rendrez à Lusigny. Vous recevrez
du feld-maréchal prince Schwarzenberg les pleins pouvoirs et
les instructuions détaillées. La condition principale
est que les débouchés des Vosges restent au pouvoir des
armées alliées. Si donc la ligne de l'Aube n'est point
acceptée pour démarcation, c'est celle de la Marne que
les souverains alliés sont convenus de regarder comme la plus
utile pour la grande armée jusqu'à Châlons, et pour
celle du Nord, une ligne qui, en partant de ce point, suivrait la Vesle
jusqu'à son embouchure dans l'Aisne, puis cette rivière
jusqu'à son confluent avec l'Oise, point qui terminerait la ligne
de démarcation. Quant à l'armée d'Italie et à
celle de lord Wellington, vous suivrez, pour la première, les
instructions du prince de Schwarzenberg, et, pour la seconde, celles
qui vous parviendront dans la journée. (Ordres de l'empereur
Alexandre au comte Schouvaloff, Vendeuvre, 12/24 février. (Journal
des pièces expédiées, n°107.))
Si, à ces ordres d'Alexandre, on compare les instructions
bien autrement précises, mais aussi bien plus rigoureuses, données
à Flahaut, on verra qu'en raison du rôle que l'Empereur
lui impose et en présence des divergences essentielles qui ne
peuvent manquer de se produire dès l'ouverture des conférences,
une issue négative était à peu près certaine.
"Il est bien entendu, dit l'Empereur, (Correspondance, n°21359)
que pendant toute la durée des conférences il n'y aura
pas d'armistice... Ce ne sera que du moment de la signature et de l'échange
des ratifications que l'armistice aura lieu. Cela est important, car
je n'entends pas être lié. je ne puis accorder d'armistice
qu'autant que je serai certain de la paix, et je ne puis être
certain de la paix qu'autant qu'on aura consenti à admettre les
bases proposées à Francfort." Cet article dont l'Empereur
fait la base de toute négociation, ce préambule qui est
pour lui une condition sine qua non, l'Empereur s'attend bien à le voir donner lieu à de vives réclamations et
provoquer de nombreuses difficultés. Il prévoit si bien
que les commissaires se retrancheront derrière l'insuffisance
de leurs pouvoirs, qu'il défend à Flahaut d'entrer dans
aucune discussion avant que cet article ne soit accepté et d'ouvrir
la bouche tant que ce ne sera pas fait. Pour ce qui est de la ligne
de démarcation ultérieure, de celle derrière laquelle
les armées se tiendront jusqu'à la signature du traité
de paix pendant la suspension d'armes, l'Empereur demande que les Alliés
se concentrent en Franche-Comté, en Alsace, en Lorraine, et évacuent
la Belgique. La ligne sera la Meuse depuis son embouchure jusqu'à
sa source, et, depuis, là, une ligne qui passera entre Vesoul
et Langres et viendra mourir, pour la Franche-Comté, sur la Suisse.
Enfin, comme s'il avait redouté de la part de son délégué
trop d'urbanité, trop de condescendance, même dans la forme,
Napoléon ajoutait : "Le général Flahaut doit
avoir un langage honnête, mais ferme."
Lorsque la conférence tint séance, il ne pouvait plus
être question, ni de la cessation d'hostilités qu'on avait
continuées aux environs mêmes de Lusigny, ni de la ligne
de démarcation dont parlait le général von Rauch,
puisque les troupes alliées se retiraient en toute hâte
sur Bar-sur-Aube. Les commissaires alliés cédèrent
sur ce point, mais ils n'en résistèrent que plus opiniâtrement
sur le préambule qu'ils ne pouvaient admettre sans engager par
leur consentement les négociateurs de Châtillon.
La première séance n'avait amené aucun résultat
; elle avait, au contraire, fait surgir des obstacles presque impossibles
impossibles à aplanir. D'ailleurs, s'il faut en croire Wrède,
l'insuccès de la mission confiée à Taxis avait
complètement dissipé les dernières illusions de
Schwarzenberg. Le major, envoyé en parlementaire dans la matinée
et chargé de réclamer la cessation immédiate des
hostilités, n'avait pu dépasser les avant-poste français.
Le généralissime, découragé et désabusé,
eut un moment l'intention de dissoudre la conférence avant sa
réunion. S'il se ravisa, ajoute l'historiographe de Wrède,
ce fut uniquement parce qu'il espérait malgré tout gagner
le temps nécessaire pour faire filer ses convois et son artillerie.
Avant de quitter Lusigny, il recommanda aux commissaires de traîner
les choses en longueur. Dès ce moment, il était évident
que la conférence n'aboutirait pas à une entente et "toutes
les négociations pouvaient jusqu'à un certain point être
considérées comme une véritable farce". (Heilmann,
Feld-Marschall Fürst Wrède, p.353.)"
25 février 1814. - Ordres de
l'Empereur. -
p.378
L'impatience et l'inquiétude de l'Empereur n'avaient fait que
croître pendant l'après-midi du 24 et la nuit du 25. Ne
connaissant pas encore l'issue de la première séance de
la conférence de Lusigny et désirant une paix honorable,
il craignait de voir les commissaires alliés refuser leur adhésion
aux conditions qu'il avait posées. Il fallait donc de toute façon
se préparer à continuer les opérations et chercher
à les pousser avec toute l'énergie et l'impétuosité
possibles. Il s'agissait pour lui de tirer parti de la démoralisation
de la grande amée alliée, du désordre qui était
la conséquence de ses victoires, et d'un découragement
que les privations et les fatigues rendaient de jour en jour plus général...
Insuccès de la conférence
de Lusigny. -
p.384
Avant de partir avec Alexandre pour Chaumont, le roi de Prusse pouvait
donc, en écrivant de son côté au feld-maréchal
Blücher et en lui disant qu'il tenait désormais le sort
de la campagne dans sa main, commencer sa lettre par ces mots : "L'armistice
projeté n'aura pas lieu ; considérez mes instructions
d'hier comme nulles et non avenues."
En effet, malgré les efforts de Duka et de Flahault, malgré
les concessions que ce dernier fut autorisé à faire le
27, les commissaires se séparèrent le 28 sans âtre
pavenus à s'entendre.
Les opérations militaires du 25 entre l'Aube et la Seine et la
poursuite de l'armée de Schwarzenberg ne povaient, en tout état
de cause, présenter qu'un intérêt secondaire à
côtés des graves résolutions prises par les souverains
aalliés. Des circonstances particulières avaient toutefois,
contribuer à leur enlever une partie de leur importance...
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