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Revue des Etudes historiques
(1881)
article du Colonel Fabre
de Navacelle
dans "L'Investigateur"
avec l'aide de
extrait
Il s'agit ici des notes et de la correspondance
d'un homme qui résida en France de 1789 à 1794, écouté
de la Cour, plus tard ministre de la république des Etats-Unis,
près de la Convention.
Je suis loin d'être parfaitement édifié sur la perspicacité
tant vantée de Gouverneur Morris. Lui-même y croit beaucoup,
prophétise et signale ses divinations. C'est un homme intelligent,
gardant un sang-froid un peu dédaigneux en présence de
passions qu'il ne partage pas, et ayant par devers lui, lorsqu'il est
ministre en France, ou qu'il y réside de 1789 à 1794,
l'expérience d'une révolution dont il a pris sa part et
qui a réussi. Il se trompe souvent, comme tous les prophètes
politiques ; mais souvent, il devine juste : il devine, par exemple,
que la violence ne fonde rien de durable et rejettera un jour, dans
les bras de quelque despote, la nation indignée et écoeurée
de tant de sang versé. Il se souvient des transactions qui ont
permis de terminer heureusement la révolution d'Amérique
malgré les cris et les colères des violents, et les accusations
de quasi trahison qui ont poursuivi Washington et lui-même.
Pour nous Français, c'est le moment où Morris est en France
qui détermine l'intérêt culminant de ce recueil
de notes et de correspondances. Mais on connaîtrait mal notre
auteur, si l'on n'avait pas lu d'abord toute l'histoire de sa vie politique.
Cette histoire est souvent fatigante et bien des détails des
luttes de Morris, de 1771 à 1778, sont d'une lecture difficile.
Il est bon toutefois de savoir à quel prix on devient un homme
politique important sans cesser d'être honnête, sans cesser
de faire passer ses principes avant son intérêt. Que de
dégoûts à surmonter, et quels efforts pour rester
juste quand on a si souvent quelque motif de s'irriter ou de s'indigner
! - Ce qui ressort de ce premier volume, c'est que Morris, de famille
torie, s'attache à la révolution, dès le principe,
essaie en vain de la réconcilier avec la royauté anglaise,
renonce enfin à l'espoir d'y parvenir, et se trouve dès
lors en communion d'idées avec Washington, qu'il aide de sa parole
dans les assemblées, de son savoir en finances, plus tard de
sa perspicacité politique en pays étrangers.
Gouverneur
Morris: An Independent Life
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