Sire,
La mort de M le duc de Morny,
en faisant perdre à votre Majesté un dévouement
et une intelligence sur lesquels Elle pouvait compter, m'enlève
un appui, et, pourquoi ne le dirai-je pas ? une haute bienveillance
qui m'était précieuse. En présence des regrets
et de la douleur dont l'Empereur a honoré la mémoire
du protecteur que j'ai perdu, il ne me sied pas de parler des miens,
bien qu'ils soient profonds et sincères : trois années
d'une correspondance non interrompue, uniquement inspirée par
le désir dêtre utile, m'avaient acquis l'estime et l'intérêt
de l'homme d'Etat, avaient permis à l'homme privé de
se former sur mon caractère une opinion, dont les témoignages
me soutenaient au milieu des luttes et des pénibles épreuves
que j'ai traversées depuis trois ans et demi pour le service
de Votre Majesté. Ces témoignages ont été
ma seule récompense jusqu'à présent ; je n'en
ai sollicité ni fait solliciter aucune autre...
... La mort de M le duc de
Morny fait, en outre, que je ne sais plus à qui je dois adresser
les appréciations politiques et militaires que je lui écrivais
à destination de Votre Majesté. Sauf la note ci-jointe,
résumant la situation présente telle que j'ai le regret
de la voir, je m'abstiendrai donc, jusqu'à ce que Votre Majesté daigne me faire savoir si je dois les continuer, et, dans ce cas,
par qui je dois les faire parvenir.
Je prie l'Empereur de croire à la respectueuse et tendre reconnaissance,
avec laquelle je suis
Sire,
De Votre Majesté, le très-humble, très-obéissant
et très-fidèle serviteur et sujet,
Vte E.-H. DE LA PIERRE,
Attaché au corps expéditionnaire
du Mexique.
Département des affaires étrangères.