Lettre d'Hortense de Beauharnais à son frère Eugène
21 novembre 1805
Combien ton portrait m'a fait plaisir, mon cher Eugène ! Je ferai faire pour toi le portrait de mes petits-enfants, mais, n'ayant pas regardé le jour de notre fête, elle m'a surprise et ils n'ont pas été prêts. Je suis bien aise qu'on t'ait fêté : je suis sûre que c'est du fond du coeur, car tu es bien aimé en Italie.
Je ne devine pas ce que l'Empereur va faire en Allemagne, mais M. de Rémusat est venu chercher tous ses habillements du couronnement. On parle beaucoup de la paix. On parle aussi de ton mariage et puis de te faire roi d'Italie : ce ne sont pas des nouvelles de Paris, mais de M. de Talleyrand. L'Empereur lui a dit un jour en lui parlant de toi : "Comme ce jeune homme s'est formé ! A présent, il est en état de gouverner aussi bien que moi."
Mme de Cetto est venue lundi dernier me voir. Elle m'a beaucoup parlé de la princesse Auguste, et combien elle rendrait son mari heureux, qu'elle était sûre qu'elle le serait aussi avec toi ; que, si l'Empereur en avait toujours l'idée, cela serait bientôt fait ; qu'elle m'en parlait parce qu'elle pensait que je devais le savoir. Je lui ai dit que si elle te rendait heureux, je l'aimerais de toute mon âme, que je savais qu'on en disait beaucoup de bien et que je ne pouvais pas faire un plus grand éloge de toi que d'assurer que, même n'aimant pas ta femme, tu la rendrais fort heureuse. C'est ce que je pense. Aussi, mon cher Eugène, j'ai demandé à Mme de Cetto si la jeune personne le savait. Elle m'a dit qu'elle le croyait ; que, quand M. de Cetto avait été en Bavière, il avait parlé de toi devant elle et qu'elle était devenue fort rouge. Son frère, qu'elle aime beaucoup, est enchanté de toi ; il ne fait qu'en parler. Tâche donc de te plaire dans cette idée-là, d'y penser un peu.
J'espère bien que si tu es roi d'Italie, cela ne t'empêchera pas de venir souvent à Paris, car je maudirais bien ta royauté. C'est terrible, dans notre position, de n'avoir pas un peu d'ambition ! Nous serions souvent bien heureux de choses qui nous causent du chagrin.
Adieu, mon meilleur ami, n'importe ce qui nous arrivé, nous nous aimons toujours bien et cela console.
Hortense
P.S. Je t'envoie une relation particulière du combat de Cadix.
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