Lettre d'Hortense de Beauharnais à son frère Eugène
30 avril 1809 , Strasbourg
J'ai réçu ta lettre, mon cher Eugène, et je vois avec plaisir que tu as un peu repris courage. L'Empereur se repose depuis deux jours. Nous avons reçu aujourd'hui des nouvelles du 26 : les avant-postes ont passé l'Inn. Ainsi j'espère que cela fera quelque chose pour l'armée d'Italie. Je t'engage bien à ne pas te laisser aller à l'ardeur de reprendre ta revanche, car ils sont bien nombreux et il vaut mieux ne rien gagner que de perdre quelque chose. Mais, ce que je te recommande le plus, c'est de ne pas t'exposer ; ce n'est pas un déshonneur que de perdre une bataille et tu es assez jeune pour, dans le courant de ta vie, pouvoir prendre ta revanche.
Mais à nous, ce qui nous importe le plus c'est que tu te portes bien et que tu ne t'affliges pas. Nous sommes très spartiates pour nos armées, mais pas du tout pour nos affections particulières, et mon premier désir est de savoir comment tu te portes avant de savoir où en est ton armée. Donne-moi donc le plus souvent que tu pourras de tes nouvelles. M. de Champagny, qui est passé hier pour aller rejoindre l'Empereur, nous a dit qu'à Paris les ministres savaient bien les affaires d'Italie et que tu te reployais, mais qu'on croyait que c'était d'accord avec l'Empereur, parce que, comme cela, l'armée autrichienne se trouverait prise entre deux feux, ce qui paraît très probable.
Adieu, mon cher Eugène, je suis bien contente de ce que tu me dis de ta femme. C'est un grand bonheur et que tu mérites bien. Je t'embrasse comme je t'aime.
La reine de Westphalie est arrivée hier ; elle a été obligée de se déguiser pour sortir de Cassel, mais, comme on y a envoyé du monde, on espère que cela n'aura pas de suite.
Hortense
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