année 1848
Paris, le 26 octobre 1848
Discours aux Citoyens Représentants
Louis-Napoléon fut encore attaqué dans le sein de l'Assemblée nationale le 25 octobre 1848.
Le Prince répondit le lendemain à ces nouvelles attaques.
Citoyens représentants,
L'incident regrettable, qui s'est élevé hier à mon sujet, ne me permet pas de me taire. Je déplore profondément d'être obligé de parler encore de moi, car il me répugne de voir porter sans cesse devant l'Assemblée des questions personnelles, alors que nous n'avons pas un moment à perdre pour nous occuper des graves intérêts de la patrie.
Je ne parlerai point de mes sentiments
ni de mes opinions ; je les ai déjà manifestés devant vous, et jamais personne n'a pu encore douter de mes paroles.
Quant à ma conduite parlementaire, de même que je ne permettrai jamais de demander à aucun de mes collègues compte de celle qu'il croira devoir tenir, de même je ne reconnais à aucun d'eux le droit de m'interpeller sur la mienne ; ce compte, je ne le dois qu'à mes commettants.
De quoi m'accuse-t-on ? d'accepter, des sentiments populaires, une candidature que je n'ai pas réclamée ?
Eh bien ! oui, je l'accepte, parce que trois élections successives et le décret unanime de l'Assemblée nationale contre la proscription de ma famille, m'autorisent à croire que la France regarde le nom que je porte comme pouvant servir à la consolidation de la société ébranlée jusque dans ses fondements, à l'affermissement et à la prospérité de la République.
Que ceux qui m'accusent d'ambition connaissent peu mon coeur ! Si un devoir impérieux ne me retenait pas ici, si la sympathie de mes concitoyens ne me consolait pas de l'animosité de quelques attaques et de l'impétuosité même de quelques défenses, il y a longtemps que j'aurais regretté l'exil.
On me repoche mon silence ! il n'est donné qu'à peu de personnes d'apporter ici une parole éloquente au service d'idées justes et saines.
N'y a-t-il donc qu'un seul moyen de servir son pays ; ce qu'il lui faut, surtout, ce sont des actes ; ce qu'il lui faut, c'est un gouvernement ferme, intelligent et sage, qui pense plus à guérir les maux de la société qu'à les venger ; un gouvernement qui se mette franchement à la tête des idées vraies, pour repousser ainsi, mille fois mieux que par les baïonnettes, les théories qui ne sont pas fondées sur l'expérience et la raison.
Je sais qu'on veut semer mon chemin d'écueils et d'embûches, je n'y tomberai pas. Je suivrai toujours, comme je l'entends, la ligne que je me suis tracée, sans m'inquiéter, sans m'arrêter. Rien ne m'ôtera mon calme, rien ne me fera oublier mes devoirs.
Je n'ai qu'un but, c'est de mériter l'estime de l'Assemblée, et, avec cette estime, celle de tous les hommes de bien et la confiance de ce peuple magnanime qu'on a si légèrement traité hier.
Je déclare donc à ceux qui voudraient organiser contre moi un système de provocation, que, dorénavant, je ne répondrai à aucune interpellation, à aucune espèce d'attaque. Je ne répondrai pas à ceux qui voudraient me faire parler, alors que je veux me taire.
Je resterai inébranlable contre toutes les attaques, impassible contre toutes les calomnies.
L'Assemblée tout entière accueille ce discours par ses acclamations.
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