année 1850
9 juin 1850
Inauguration du chemin de fer de Creil à Saint-Quentin
Le Président de la République quitte Paris pour inaugurer le chemin de fer de Creil à Saint-Quentin.
Arrivé à Saint-Quentin, le Prince se rend à la salle Fervaques où l'on avait fait une exposition de toutes les industries du pays.
M. le Président de la République acresse aux exposants l'allocution suivante :
Je suis heureux de me trouver parmi vous ; et je recherche avec plaisir les occasions qui me mettent en contact avec ce grand et généreux peuple qui m'a élu ; car, chaque jour me le prouve, mes amis les plus sincères, les plus dévoués ne sont pas dans les palais, ils sont sous le chaume ; ils ne sont pas sous les lambris dorés, ils sont dans les ateliers, dans les campagnes.
Je sens, comme disait l'Empereur, que ma fibre répond à la vôtre, que nous avons les mêmes intérêts et les mêmes instincts. Persévérez dans cette voie honnête et laborieuse qui conduit à l'aisance, et que ces livrets, que je me plais à vous offrir, comme une faible marque de ma sympathie, vopus rappellent le trop court séjour que je fait parmi vous.
Au banquet, M. le Maire ayant porté un toast, M. le Président répond :
Messieurs;
Si j'étais toujours libre d'accomplir ma volonté, je viendrais parmi vous sans faste, sans cérémonie. Je voudrais, inconnu, me mêler à vos travaux comme à vos fêtes, pour mieux juger par moi-même de vos désirs et de vos sentiments. Mais il semble que le sort mette sans cesse une barrière entre vous et moi, et j'ai le regret de n'avoir jamais pu être simple citoyen de mon pays.
J'ai passé, vous le savez, six ans à quelques lieues de cette ville ; mais des murs et des fossés me séparaient de vous. Aujourd'hui encore, les devoirs d'une position officielle m'en éloignent. Aussi est-ce à peine si vous me connaissez, et sans cesse on cherche à dénaturer à vos yeux mes actes comme mes sentiments. Par bonheur, le nom que je porte vous rassure, et vous savez à quels hauts enseignements j'ai puisé mes convictions.
La mission que j'ai à remplir aujourd'hui n'est pas nouvelle ; on sait son origine et son but. Lorsque, il y a quarante-huit ans, le premier Consul vint en ces lieux inaugurer le canal de Saint-Quentin, comme aujourd'hui je viens inaugurer le chemin de fer, il vous disait :
"Tranquillisez-vous, les orages sont passés. Les grandes vérités de notre révolution, je les ferai triompher ; mais je réprimerai avec une égale force les erreurs nouvelles et les préjugés anciens en ramenant la sécurité, en encourageant toutes les entreprises utiles. Je ferai naître de nouvelles industries pour enrichir nos champs et améliorer le sort du peuple."
Il n'y a qu'à regarder autour de vous pour voir s'il a tenu parole.
Eh bien ! encore aujourd'hui, ma tâche est la même, quoique plus facile. De la révolution, il faut prendre les bons instincts et combattre hardiment les mauvais.
Il faut enrichir le peuple par toutes les institutions de prévoyance et d'assistance que la raison approuve, et le bien convaincre que l'ordre est la source première de toute prospérité.
Mais l'ordre, pour moi, n'est pas un mot vide de sens, que tout le monde interprète à sa façon. Pour moi l'ordre, c'est le maintien de ce qui a été librement élu et consenti par le peuple, c'est la volonté nationale triomphant de toutes les factions.
Courage donc, habitants de Saint-Quentin ! Continuez à faire honneur à notre nation par vos produits industriels. Croyez à mes efforts et à ceux du Gouvernement pour protéger vos entreprises et pour améliorer le sort des travailleurs.
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