année 1851
1er juillet 1851
Inauguration du chemin de fer de Tours à Poitiers
M. le Président de la République se rend à Poitiers pour inaugurer la section de chemin de fer comprise entre Tours et cette ville.
Un banquet est offert par la ville. Le Prince répond en ces termes au toast porté par le maire :
Monsieur le Maire,
Soyez mon interprète auprès de vos concitoyens pour les remercier de leur accueil si empressé et si cordial.
Comme vous, j'envisage l'avenir du pays sans crainte, car son salut viendra toujours de la volonté du peuple, librement exprimée, religieusement acceptée. Aussi j'appelle de tous mes voeux le moment solennel où la voix puissante de la nation dominera toutes les oppositions et mettra d'accord toutes les rivalités ; car il est bien triste de voir les révolutions ébranler la société, amonceler les ruines, et cependant laisser toujours debout les mêmes passions, les mêmes exigences, les mêmes éléments de trouble.
Quand on parcourt la France et que l'on voit la richesse variée de son sol, les produits merveilleux de son industrie ; lorsqu'on admire ses fleuves, ses routes, ses canaux, ses chemins de fer, ses ports que baignent deux mers, on se demande à quel degré de prospérité elle n'atteindrait pas, si une tranquillité durable permettait à ses habitants de concourir de tous leurs moyens à ce bien général, au lieu de se livrer à des discussions intestines.
Lorsque, sous un autre point de vue, on réfléchit à cette unité territoriale que nous ont léguée les efforts persévérants de la royauté, à cette unité politique, judiciaire, administrative et commerciale que nous a léguée la révolution ; quand on contemple cette population intelligente et laborieuse animée presque tout entière de la bonne croyance et parlant le même langage, ce clergé vénérable qui enseigne la morale et la vertu, cette magistrature intègre qui fait respecter la justice, cette armée vaillante et disciplinée qui ne connaît que l'honneur et le devoir ; enfin, quand on vient à apprécier cette foule d'hommes éminents, capables de guider le Gouvernement, d'illustrer les assemblées aussi bien que les sciences et les arts, on recherche avec anxiété quelles sont les causes qui empêchent cette nation, déjà si grande, d'être plus grande encore, et l'on s'étonne qu'une société qui renferme tant d'éléments de puissance et de prospérité s'expose si souvent à s'abîmer sur elle-même.
Serait-il donc vrai, comme l'Empereur l'a dit, que le vieux monde soit à bout, et que le nouveau ne soit point assis ? Sans savoir quel il sera, faisons notre devoir aujourd'hui en lui préparant des fondations solides.
J'aime à vous adresser ces paroles, dans une province renommée à toutes les époques par son patriotisme. N'oublions pas que votre ville a été, sous Charles VII, le foyer d'une résistance héroïque, qu'elle a été pendant quatorze ans le refuge de la nationalité dans la France envahie. Espérons qu'elle sera encore une des premières à donner l'exemple du dévouement à la civilisation et à la patrie.
Je porte un toast à la ville de Poitiers !
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