Lettres de Monsieur de Souza
à son beau-fils Charles de Flahaut
26 mai 1817
Maman vient de sortir pour vos affaires, mon cher Charles, et m'a chargé de la remplacer et de vous écrire pour elle, ce que je fais avec bien du plaisir mon ami, puisque le sort a voulu nous séparer, et qu'il ne me reste que ce moyen de causer avec vous.
Je vous parlerai comme un vieux papa, je radoterai peut-être mais vous écouterez avec indulgence l'amitié qui s'épanche avec vous et dans votre intérêt.
Vous avez fait, et on a fait ici pour vous, tout ce qu'il était possible pour détruire les informations malveillantes de M. d'Osmond, et les prouver calomnieuses. Il n'était point à espérer même d'un gouvernement qui fut sans préjugé contre vous, d'en obtenir la désapprobation de son ministre, car telle est la marche des choses dans ce bas monde. Tant que M. d'O. a pu vous nuire effectivement, il a bien fallu se défendre et ne pas lui laisser l'apparence même de la raison : mais sa méchanceté étant devenue impuissante, et son âge et sa situation le mettant à l'abri de la demande que vous pouviez lui faire, il vous convient de montrer que vous êtes au-dessus de ses propos mensongers, et votre tranquille indifférence finira par soulever toute la société contre lui ; car quelque corrompu que soit le monde, la droiture et une conduite honorable finissent par faire respecter l'homme par tous ceux que la passion n'aveugle pas.
Cette passion si injuste envers vous vient de remonter ici, et de prouver que d'autres autant que lui vous en voulaient, et qu'il se peut très bien qu'il en ait été l'instrument et la cause. Je vous avoue que je m'attendais au refus que le Ministre vient de faire de vous donner son autorisation en prétextant que vous devez produire l'approbation du père de la future. Ce n'est ni dans la loi, ni dans la raison, mais la mauvaise volonté unie à la puissance ne raisonne pas. Maman en a été toute troublée, et souffrante, elle est sortie pour faire un dernier effort, que malheureusement qui, je crois, ne réussira pas mieux. Soyez convaincus que vos ennemis feront tout pour vous contrarier s'ils ne peuvent empêcher votre mariage. Ne leur donnez pas le plaisir d'avoir pu vous affliger et empressez-vous de leur prouver l'impuissance de vous nuire en vous mariant au plus tôt possible. En effet, je ne vois point ce qui peut vous arrêter encore. Il n'y a personne de vos amis, et de ceux de Mme M. qui ne s'écrie : Pourquoi n'en finissent-ils pas et ne mettent-ils terme à tous ces caquets des oisifs et malveillants ? La cérémonie consommée, on n'en parlera plus. Ainsi, mon cher Charles, tâchez de finir au plus vite. Vous devez avoir reçu par le dernier courrier le crédit pour les 10.000 livres chez Baning & Ce ; ainsi vous pouvez tout de suite les mettre entre les mains des ... pour les placer les plus avantageusement en faveur de vos enfants cadets : les autres conditions du contrat ne peuvent pas être longues à dresser et doivent être rédigées ; ainsi le contrat signé, mariez-vous tout de suite devant le ministre ecclésiastique Anglican. Pour l'ostie sacramentale devant l'eglise Romaine, vous pouvez vous diriger à Palmella pour que si cela est possible, un des aumôniers de la Chapelle Portug. vous marie ; ou sinon vous trouverez bien au près de l'Evêque Cathol. Rom. de Londres, ou près de quelque Prêtre Irlandais un qui veuille vous donner la bénédiction nuptiale.
En tout cas, vous pouvez vous en dispenser (car j'en ai connu en Portugal qui se sont mariés seulement devant un Prêtre de la communion Protestante hors du royaume, et le mariage était bien valide) comme vous vous en dispenserez pour qelques temps de l'acte par devant le civil, qu'on ne pourra vous refuser quand vous aurez quitté le service militaire. D'ailleurs, ces formalités ne seraient nécessaires que pour constater vos droits en France et ceux des enfants devant hériter ici de biens ... ce que vous n'attendez pas. Celles que demandent les lois Anglaises ayant été remplies vous êtes ainsi bien marié qu'on peut l'être, et engagé indissolublement pour que vos enfants soient légitimés. Finissez donc, mon cher Charles, et donnez-vous tous deux, et à nous la tranquillité et la satisfaction de voir la méchanceté déjouée, et l'honnêté heureuse de vos propres et suels moyens. J'attends avec impatience que vous nous disiez : "Tel jour a été le jour le plus heureux de ma vie, et celui où j'ai fait le bonheur de mes parents". Ne tardez pas à nous l'annoncer.
Dites mille et mille amitiés pour moi à Palmella, sue je le remercie du Camoëns (quoique ce soit l'ed. de L. Holl) et que je lui écrirai dans peu. Je vous aime et vous embrasse de toute mon âme.
Mon respectueux hommage à Miss Mercer Elphinstone.
pièce 194
P.S. Je vous ai posté de ce qui est plus important : je vous dirai deux mots sur les affaires dont vous m'avez chargé.
Breguet m'avait assuré que tout de suite que ce qu'il appelait un petit chef d'oeuvre fût réglé (car il était d'ailleurs fini) il viendrait me le montrer et savoir si vous le vouliez prendre. Plus de deux mois sont passés et il n'est pas venu. Je dois vous dire que je n'ai nulle confiance dans la probité de l'homme et pas une grande dans son talent, car le vrai talent n'a point de charlatanerie et que je ne crois point qu'on puisse faire à Finnkeyser (?) et même une bonne montre sous une forme aussi plate, et aussi petite. C'est tout au plus un joujou joli. Si malgré cela vous voulez la payer l'énorme prix qu'il demande, j'obéirai et suivrao vos ordres.
Quant au vin de Bordeaux, c'est par un hasard que j'ai pu trouver cette petite portion pour Palmella, à un très bas prix. On n'en peut trouver ici que de très médiocre et à des prix fous. Si vous voulez la très petite quantité qui me reste, elle est à vous avec un double plaisir, comme tout ce qui existe dans ma cave. Nous pouvons avoir du vin de Porto 2de qualité, bien supérieur à tous les vins de Bordeaux pour l'ordinaire.
M. Maxwel vous a porté la boîte que j'avais avec un portrait de maman que je vous ai offert avec le plus grand plaisir. Si de ce que j'ai il y a quelque chose qui vous convienne, je serai trop heureux de vous répéter qu'elle est à vous de tout mon coeur. God bless you.
Les amethystes ne sont pas des ... précieuses, mais je doute que dans tout le Brésil on puisse faire un pareil assortiment.
retour à la correspondance de M. José de Souza