Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
15 février 1816
J'en étais là cher ami quand on m'a interrompue.
.......
Ici les purs sont désolés de ton succès en Angleterre. Cette Angleterre m'est devenue ce qu' était la Provence pour Mme de Sévigné. J'aimais jusqu'à l'accent anglais dans le Français. Le pays qui t'offre des regards d'affection lorsque tu es obligé de fuir ta patrie m'est bien cher. Si j'allais dans les vues, je crois que j'arrêterais pour saluer gracieusement tous les Anglais que je rencontrerais.
On a donné avant-hier ... de Mlle Duchenois (?) qui est un vrai gibier d'inquisition a dit de manière à ce que la salle a été électrisée et qu'on a applaudi à tout rompre les trois vers suivants:
La confidente dit
Tout son parti se tait ; qui sera son appui ?
...
La gloire qu'il se montre il deviendra le maître
Un héros qu'on opprime attendrit tous les coeurs
Il les avive tous quand il vient à paraître"
On n'a pas entendu ce dernier vers tant on applaudissait
Je doute que l'on rejoue ...
Les affaires d'Achille (La Valette) vont fort mal . Cette pauvre Nonore (Mme de La Valette) fait pitié.
Tu ne m'as seulement pas dit si lord W. t'avait remis ta boîte. M. de T. est toujours furieux. Il a fait fermer sa porte à L. qui a fait un ... sur les prêtres mariés où il le traite d'infâme de déshonoré etc...
Adieu cher ami que j'aime plus que ma vie. On a écrit à lady Kinnaird (je crois que c'est sa soeur, elle n'a pas voulu en convenir) que tu étais si aimé en Angleterre qu'il n'y avait pas de doute que si tu le voulais, tu épouserais cette demoiselle, que toutes les femmes étaient enchantées de toi et surtout de ton air mélancolique. Ah ! elles ont raison, une âme honnête doit être bien triste de voir son pays si mal arrangé.
Ma robe est-elle arrivée ? Ta lettre de trois pages me fait le seul vrai plaisir que j'aie eu depuis longtemps ; écris-moi, tout ce que tu fais , que je vive avec toi, que je dîne avec tes amis.
Rien ne m'est étranger. J'aime ce ... qui n'en doute pas. Toutes tes affections m'arrivent droit au coeur, ce sont de vraies belles ... que tes lettres , un nom qui t'échappe se grave ici. L'écho répète encore que peut-être tu parles d'autre chose.
Adieu cher ami, jamais tu ne seras si parfaitement aimé que par ta mère. Cette Mme de Souza que tu as connu vient de mourir. Tout Paris a cru que c'était moi, les petits, les pauvres, sont accourus savoir si je n'existais plus. J'ai trouvé de vrais attachements dont je ne me doutais pas. Peut-être les plus vrais, les plus sincères. Parle de moi à lord et lady Holland. As-tu vu lady Henriette Granville ? As-tu vu lord Garmouth, je voudrais que tu fusses présenté au Prince Régent, cela ferait des merveilles ici.
Auguste m'a dit l'autre jour qu'il avait peur des morts. Je lui ai demandé pourquoi ? - C'est que je n'en ai jamais vu !
Papa t'embrasse. Je t'aime de toutes les forces de mon âme.
As-tu reçu une lettre par M. Lambton ? Prends garde, on dit que les dandys ne s'occupent qu'à donner du ridicule à tous ceux qu'ils connaissent. Enfin, on en a fait une peinture affreuse. J'en rabattrais moitié que ce serait encore terrible.
Et mon petit lord Wi. qui m'avait promis de m'écrire pour ma mort ! Ah ! je suis fâché contre lui !
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