Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
26 décembre 1816
Mon bon, mon cher enfant, je te souhaite une bonne année, une heureuse étoile, une bonne femme, ou du moins une tendre et fidèle amie qui te tienne lieu de moi, si par hasard je meurs, ce dont je commence à douter, puisque tant de chagrin depuis 25 ans ne m'ont pas tuée. J'ai dîné hier avec Mme Narischin (?) que j'ai trouvée très belle, et surtout un son de voix charmant, l'air bon et doux, enfin j'en suis tout enchantée . Elle conserve une douce rancune de ce que non seulement tu n'as pas voulu chanter devant elle, mais que tu avais fait emporter le piano de la maison. Elle a trouvé que nous nous ressemblions qu'elle m'aurait devinée partout où elle m'aurait rencontrée. J'ai dit tout ce que tu désirais et j'espère que cela finira par être compris où tu le veux et comme tu le veux, mais en grâce ne prononcez plus le nom de M. d'Osmont à Londres.
Il y a quelque chose de si peu généreux, de si peu élevé à tourmenter quelqu'un qu'on croit dans une situation malheureuse que plus tu y mettras de dédain et de silence, plus il sera dans son tort, surtout en Angleterre. Attends quelques temps et peut-être sera-t-il plus poli. Du reste ne pense pas à venir ici que je ne t'écrive ; j'ai des raisons pour te dire cela que je te manderai plus tard par ...
M. ... ne m'a rien apporté de tout ce dont tu l'avais chargé. Je fais courir après lui car il est avisé depuis dix jours . Mande-moi s'il avait une lettre, c'est ce qui m'intéresse le plus. Je te remercie de tes bas qui sont superbes ; quant au soulier, je croyais t'avoir mandé que je ne ferai plus de commissions, et par-dessus le marché, c'est que personne ne veut se charger des souliers. Si tu y tiens tout à fait, je tâcherai de trouver des occasions, mais toute ces recherches et prières me sont fort désagréables ; ainsi après avoir considéré tout cela, donne-moi des ordres itératifs mais si cela te fait un vrai plaisir.
Notre pauvre Franconi (?) est très mal, je crois que je vais le perdre, alors il y a tout à parier que papa ira en cabriolet et maman ne sortira plus du tout. Cela ne lui fera pas grand bien au côté, mais sa paresse s'en délectera, c'est une consolation. Ton autre cheval est toujours dans le même état, et malgré tes ordres d'y mettre les fers, je suis sûre que ce moyen même ne le tirerait pas d'affaire, c'est une vieille bête qui a fait son temps et qui n'ira pas deux mois. Mais c'est mon pauvre Franconi que je pleurerai volontiers, si beau, si bon, toute la maison est désolée, jusqu'à Auguste qui dit : Pauvre Franconi ! Du reste on vient de lui faire avaler une bouteille de vin de Porto et M. de S... qui l'a fait sortir l'autre jour par une grande pluie, en sera jamais aussi honteux que fâché.
M. Pottle (?) qui porte à lady H. une très belle robe n'a dû arriver qu'hier à Calais, parce qu'il va avec quatre chevaux à petites journées.
Adieu, je t'aime de toutes les forces de mon âme, mon bon, mon cher enfant, ma vie, mon tout.
Auguste a été l'autre jour chez papa et tout tranquillement a jeté par terre ses livres dans sa bibliothèque pour chercher des images. Papa est descendu chez moi en me disant qu'il l'avait bien grondé. Auguste entrait comme papa, se vantait de sa sévérité et je lui ai dit : Hé bien ! papa t'a grondé ? - Un petit peu, m'a-t-il répondu devant lui, mais cela ne m'a pas fait peur - Et moi quand je gronde ? - Oh ! cela est différent. Et papa enchanté l'a baisé, caressé, gâté, à ce que tu ne peux t'en faire une idée.
Fais mille remerciements à lady H. pour le fil, me voilà avec une belle provision, et ici à Paris les plus élégantes trouvent mon ouvrage charmant.
La duchesse de V. qui est arrivée ici est d'un changement dont tu ne peux te faire d'idées. Elle est maigre et pâle comme la nudité. Sa belle-mère en est inquiétée, mais recommande bien qu'on lui dise qu'elle n'est pas maigre, car elle est un peu ...
retour à la correspondance de Mme de Souza-Flahaut