Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
28 mars 1816
Tes chevaux sont ici, mon cher ami, et si tu ne me réponds pas plus sur eux, que sur ta lettre de changer, ils y resteront longtemps. Lord W... les a-t-il achetés ? Car sans cela, tout le monde me fait demander s'ils sont à vendre ? Et je réponds que non.
Le duc de Well... ne part plus à ce qu'il me semble ; seulement on le déplace de l'Elisée. Il ignore encore où il se logera. On parlait de la maison du Prince de Neuchâtel ou de celle de Davout. Sau... part demain pour aller trouver le frère d'Henriette. J'ignore ce qu'il peut espérer de cette démarche. Il m'a demandé une lettre que je lui donnerai mais où il n'y aura que deux mots d'attachement sans titre ni adresse.
Le Roi a ordonné hier dans toutes les églises les prières de quarante heures. Dans notre Religion, on ne les ordonnait autrefois que lorsque le Roi était bien malade, en danger, ou l'Etat menacé. Personne ne sait le motif de celles-ci.
Je commence à être sincèrement et douloureusement inquiète de papa, et ses nerfs sont si attaqués que la moindre petite objection, la plus légère différence d'avis les mettent hors de lui. Il est d'un changement terrible, d'une maigreur incroyable , il travaille 7 à 8 heures par jour ; enfin sois sûr qu'il n'y résistera pas, s'il continue ; je n'avais pas besoin de ce nouveau genre d'inquiétude.
Les 3 Anglais sont transférés à la Conciergerie d'hier. Cela annonce leur jugement. Personne ne sait ici où est le pauvre homme qu'ils ont sauvé.
On chasse, on s'amuse comme s'il n' y avait jamais eu de malheurs, ni de malheureux.
Tâche de te procurer les journaux des débats et de France depuis l'exhumation du corps du duc d'Au... tu verras comme M. de Vicence y est arrangé. Sa famille en est au désespoir. Entre autres, il y est dit qu'il était présent à l'exécution, et ce jour-même il soupait à minuit à Lunéville chez M. de Lavienville. Enfin ils sont au désespoir.
Ecris un mot à ce pauvre Gabriel sur la mort de sa mère. Je suis ravie que tu aies une lettre d'Henriette. Explique-t-elle son long silence ?
On dit ici que M. de Metternich devient tout à fait aveugle ; il a déjà un oeil dont il ne voit rien du tout, et de l'autre très peu.
As-tu reçu la lettre que je t'ai écrite par le fils de Sir Samuel Romilly ? Aucune nouvelle ici. Et ma robe ? Quelle nouvelle en as-tu ? C'est désolant. Tu ne réponds à rien. As-tu trouvé ton gobelet assez joli pour l'offrir à quelque dame ? Ne te fie que de raison aux petites, ce sont les amies particulières de cette Mme Saint Alphonse qui est une énergumène.
Adieu cher ami, je fermerai ma lettre ce soir, si je recueille quelque chose d'ici là pour dire du nouveau. En attendant, je t'embrasserai comme je t'aime de toute mon âme.
Rien de nouveau, cher ami, je t'aime de toute mon âme. Voilà le commencement et la fin de mes lettres, de mes jours, et ce sera ma dernière pensée. Papa t'embrasse.
Nonore est arrivée aujourd'hui, je la verrai ce soir.
M. le duc de Richelieu a été parfait pour Mme de Vicence, elle en est aussi reconnaissante qu'elle était malheureuse, c'est tout dire.
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