Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
29 février 1816
Demain nous entrons dans ce mois de Mars si terrible ! J'en suis effrayée. On prétend que sur le refus des Chambres de consentir à la vente des bien du clergé (décrétée l'année dernière sous l'abbé Louis) le Roi est obligé de renvoyer les Chambres sur le ministère, et qu'il est décidé à renvoyer les Chambres. Alors M. de Richelieu restera 1er ministre et M. de Tall... rentrera cependant dans le ministère. Et bien, je ne crois pas un mot de ces grands expédients. Les Chambres refuseront et le ministère après avoir louvoyé pour la loi d'amnistie, fléchira encore, et j'espère restera car ...moi j'ai été fort tranquille sans lui.
L'Ours Blanc du nord se montre si puissant que je ne serais pas étonnée que les Anglais eux-mêmes regrettent bientôt le pauvre chou, mais laissons la politique et parlons d'Auguste. L'autre jour, Sally a dit à Guis : "Hé, Monsieur ! Je ne m'étonne plus que madame votre mère ait l'air si bonne, elle est Anglaise" . Le petit se retourne en disant :" N'allez-vous pas nous faire accroire qu'il n' y a de bonnes femmes que dans votre Angleterre." - "Comment, s'écrie Sally en riant , Petit sorcier, n'allez-vous pas aussi dire du mal de l'Angleterre ? Avisez vous ou je vous fouetterais" A ce dernier mot, Auguste prend son petit air doux et répond : Je ne dis pas du mal de l'Angleterre, Charles y est."
M. Guis est accouru chez moi , transporté de cet enfant que mon mari a tant de raison d'aimer et que l'on trouve si bon d'aimer et soigner.
As-tu le voile ? Mon Dieu, que je voudrais être rassurée sur ce point. Ces 15 louis me paraissent bien en l'air. J'en suis plus effrayée que je ne puis te le dire.
Je t'ai écrit hier par Mlle Deslieux (?) une lettre que je savais fâchée qui fut perdue. Dès que tu les sauras arrivés, va les voir et ... ta lettre.
Je t'aime mon enfant avec une tendresse que je ne puis t'exprimer . Je t'envoie par M. Jean Greffenelle une redingote et Gabriel y a joint quelques Romances . Tes bottes, tes gibets sont chez M. Webster mais Dieu sait quand il s'arrachera des bras de ces sirènes avec lesquelles on dit qu'il a l'honneur d'être.
As-tu vu la feuille et le petit mot de Mme de Montguion ? Mme Adèle dont je t'ai envoyé un petit mot n'a fait que danser et s'amuser cet hiver. D'abord, son mari ayant perdu place et traitement, elle se plaisait à montrer cet air dégagé ; mais on dit aussi qu'il y avait un jeune Saint- Aldegonde, aide de camp du duc d'Orléans qui par hasard se trouvait partout où elle allait, valsait toujours avec elle, et cela, parce que par hasard aussi, il ne quittait point le grand frère, tant y a qu'il en est monté des vapeurs à la tête du mari et qu'hier, mercredi des cendres ; bonjour, bon oeuvre il a pris madame et l'a embarquée, empaquetée, voiturée à la campagne. L'attentif est dans une tristesse bien plus compromettante que les rigodons, mais fort estimable d'ailleurs.
Voilà mon enfant le seul petit scandale qui ait pointé cet hiver et le fond en est très innocent.
Adieu je vous embrasse de tout mon coeur, et vous prie de vousinformer si les fonds anglais baisseront ou monteront pour savoir quand il faudra acheter.
Mon Dieu, quand nous réunirons-nous ? Chaque jour je vous bénis pour l'édition ...
Je n'ai pas eu de lettre de toi la dernière poste, cela m'a bien attristée.
Adieu encore, cher et bon ami. "Nonore" (Mme de La Valette) est partie pour Lyon .
M. de Semonville a donné un bal superbe. Mme son épouse n'a point voulu prier Mme Perregaux parce que son père devait y venir , et n'y a point paru.
M. le duc du Berri va épouser une princesse de Naples
M. de Jaucourt ni sa femme ne vont plus chez Mme de Laval parce que l'autre jour, on disait à cette dernière : "Mais que va faire Mme de Jaucourt avec M de La Chatre qui revient premier gentilhomme de la chambre, et ce second mari, et ce divorce ? - Ah ! répondit sa bonne amie , je ne crois pas qu'elle en soit à s'en repentir, il y a déjà longtemps. M de Jaucourt, très piqué n'y va plus, et M. de Tall... sera exilé ou triomphant la semaine prochaine . Mais pour le coup, adieu .
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