Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
5 février 1816
Nous sommes bien tristes, mon cher enfant, lord R. qui a reçu l'ordre de s'en aller te dira au juste l'état de la France. Il est très content de M. de Tall... , parce que M. de Tall... était fort mécontent, est le défenseur (sans être l'appui) ou plutôt le ... de tous les gens que la cour attaque. L. K. qui en est fort reconnaissante ne se doute pas que s'il eut été dans le ministère, il aurait été plus sérieux que ceux qui y sont aujourd'hui.
Au surplus, sois sûr que s'il est si irrité, qu'il parle tant qu'il sera exilé avant peu, je ne lui donne pas 15 jours.
Auguste a été pris hier d'une douleur d'oreille si affreuse qu'il a passé la nuit à pleurer à grosses larmes. Il tenait sa tête avec ses petites mains comme aurait fait une personne raisonnable ; il ne criait point mais il pleurait et tremblait de la tête aux pieds. Tu ne peux imaginer ce que je souffrais. Quand de fatigue il tombait assoupi il se plaignait en dormant et puis s'éveillait pour souffrir comme un petit malheureux. Si tu savais avec quelle douce voix il m'appelait et prenait ma main pour la poser sur son oreille. Enfin c'était le plus touchant petit malade qu'on puisse imaginer. Que j'aurais voulu t'avoir près de moi, toi qui entends les maux d'oreille . Je lui ai mis de l'huile de lys. Enfin Dieu sait si j'en ai eu soin, si je souffrais avec lui et si j'aurais voulu souffrir au lieu de lui. Il est mieux ce matin.
"Je suis dans le lit de bonne mère et je prie mon ami de revenir."
Il a voulu t'écrire , me voyant écrire, et c'est lui qui a dicté ces deux phrases. Je n'ai jamais vu une plus gentille écriture, jusqu'à son mal d'oreille me rappelle Néné.
Je vois souvent lord Auckland. Il me gagne toute les parties d'échec que je joue contre lui. Quand il sera en Angleterre, je te rpie de me venger.
On a passé hier en revue ce que l'on a pu former de Garde Royale cinq mille hommes dont 1800 chevaux, l'infanterie mauvaise, la cavalerie moitié bonne, l'artillerie superbe.
Edmond a dit à Gabriel : Ils sont bien heureux d'avoir cette garde , car sans elle, ils n'y seraient déjà plus.
Les gazettes anglaises sont défendues. J'ai vu ici beaucoup le colonel Stanhope , l'élève de M. Pitt, qui était très Royaliste avant de nous avoir vu de près ; mais que l'immensité des arrestations a fort calmé . Je lui ai dit que ce serait eux qui ramèneraient le ...en inquiétude du héros glacé : il m'a répondu l'on ne peut jurer de rien ces temps-ci.
Adieu cher et bien cher ami, amuse-toi si tu peux ; s'il n'est pas possible, fais comme ... lorsqu'il fut renvoyé de France dans cette même Angleterre, il écrivait ici : Je suis content de l'indolence quand il faut se passer de plaisir, et après, il s'habitua si bien à l'heureuse Angleterre, qu'il refusa de revenir en France lorsqu'on le lui permit. Je ne désire point que tu ailles jusque là.
Je t'aime, je t'embrasse de toutes les forces de mon âme. J'attends de tes nouvelles avec impatience, je n'en ai point depuis ta lettre du 25.
Mon opinion est que le renvoi de Kinnaird tient à la liaison avec Bego.
Adieu ma vie.
Mille compliments à lord W... L'affaire du mari de nonore est toujours la moins bien inquiétante.
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