Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
6 novembre 1816
Mon pauvre enfant, je viens d'avoir une de mes grandes attaques de côté, mais me revoilà bien et prête, comme dit Moreau, à recommencer mes gourmandises. Je suis même mieux jusqu'à penser comme La Rochefoucault qu'un long régime est une ennuyeuse maladie , j'ai cependant bien souffert et tu n'étais pas là ! Cette fête de M. Charles passée sans toi me rendait mes douleurs plus vives. En parlant de ta fête, la petite Marel m'a apporté un bouquet pour son parrain. Je te prie de m'envoyer par Casimir une petite robe rose pour elle, et une pour Sally à qui tu as promis quelque chose de son pays, et qui a eu bien soin de moi jour et nuit pendant les quatre jours que j'ai été ... et me promener comme tu m'as vu faire. Si je m'étais appuyée sur toi, je n'aurais pas senti la moitié de mes douleurs.
Mme de Talleyrand est ici, demandant que son mari la reçoive chez lui comme il le doit ; ou qu'il lui assure par contrat la pension de 60000 f qu'il lui a promis. Il est furieux de son arrivée et déclare qu'il fera fermer sa porte à tous ceux de ses amis qui le verront. (Elle n'est pas venue chez moi mais a envoyé des cartes chez M. et Mme D....) Elle loge rue de Grenelle et ce qu'il y a de pire, c'est qu'on dit que la cour et quelques ministres s'amusent assez de cette dame honesta (?) et douce Belphégor . On dit que c'est M. Pasquier qui sera président de la Chambre des députés ; ce qui est sûr c'est qu'il ne met plus le pied chez M. de Tall... avec qui il était lié , dit ou par serment mais ici on n'entend rien à aucune fidélité du parti.
Pendant que j'étais si souffrante, Auguste me regardait d'un air si tendre, si plaintif, que tu en aurais été touché. Toute la journée il dit qu'il aime mieux papa que moi, mais quand il m'a vu crier et gémir, il s'est approché de moi, a baisé ma main, de tout son coeur en me disant : Tu sais bien ce que je dis , hé bien je t'aime mieux que papa aujourd'hui parce que tu es malade. Si tu ne trouves pas cela charmant, tu me le diras et il fallait voir comme sa voix était pleine de larmes de son petit coeur gros. Mande cela à H...
As-tu reçu le fil rouge que je t'ai envoyé le 21 ?
Adieu mon bien-aimé ami me voilà, je l'espère lestée pour l'hiver , les nouvelles de l'amélioration de la santé de mon oncle m'ont fait plaisir, mais tant qu'il n'aura plus la possibilité de faire de l'exercice, ce ne sera pour ses parents et ses amis qu'un mieux momentané. Tu as bien deviné que je n'avais pas chargé Casimir de t'interroger péremptoirement comme il l'a fait et je ne m'attendais pas que tu lui répondrais.
retour à la correspondance de Mme de Souza-Flahaut