Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
16 janvier 1817
Voilà mon ami, ce que Le Duc t'assure sur son âme et conscience être l'exacte vérité. Il y était, et cet événement, jusque dans ses moindres détails est très présent à sa mémoire.
"J'interromps, mon cher général, madame votre mère qui veut bien me permettre d'ajouter quelques lignes à sa lettre. Je profite de cette permission pour me rappeler à votre souvenir et pour vous renouveler l'assurance de l'inviolable attachement que je vous ai voué. La lettre que Madame votre mère vous envoie contient la vérité toute entière . Vous pouvez vous en rapporter à un témoin occulaire. Je vous ...
Lesry (?)
Voilà ce qui est parfaitement vrai. Ensuite la nécessité fut la vraie raison car si l'on avait pu les envoyer à Rosette ou à Danisette, on l'aurait fait, mais cette armée de 5 à 6 mille hommes entre ces prisonniers et M. Jean d'Acre était trop exposée, l'infraction aux lois de la guerre fut l'excuse, la nécessité, le motif. Mais Le Duc dit qu'en son âme et conscience voilà les faits tels qu'il les dirait s'il devait paraître devant Dieu ou devant tous les Rois de la terre, ce qui est bien une autre affaire pour ce monde corrompu.
Belliard était resté dans la haute Egypte. Du reste, ce bon et honnête Le Duc me paraît bien malheureux .
Adieu cher ami. Je suppose lady Holland encore à Woburn. Je lui enverrai les détails sur ses lampes par le prochain courrier.
J'ai la main lasse d'avoir écrit car j'ai gardé pour moi la première dictée de la note que je t'envoie et il se fait tard.
Adieu encore mon minou, mon cher minou le bien-aimé de mon âme ou plutôt l'amour de ma vie.
Quand tu voudras d'autres détails, dis-moi toujours à qui je dois les demander car je n'aurais jamais pensé à cet excellent homme.
témoignage de Le Duc sur l'exécution des prisonniers anglais durant la campagne d'Egypte
La garnison d'El-Arish composée d'environ 12 à 1500 hommes s'était engagée par la capitulation à ne pas servir contre l'armée française , et à se retirer dans l'intérieur de l'Egypte huit jours après, à la prise de Jaffa ; la garnison composée de trois mille hommes des troupes d'élite fut faite prisonnier sans capitulation à la suite de l'assaut. Ces hommes restèrent trois jours sous la garde et au milieu du camp de l'armée française composée au plus de six mille hommes (il n'y avait que deux très faibles divisions) on paraissait disposé à laisser rentrer dans l'intérieur de l'Egypte ces prisonniers lorsqu'on reconnut qu'environ un tiers de ces trois mille hommes appartenait à la garnison d'El-Arish qui huit jours auparavant s'était engagée à ne plus porter les armes contre l'armée française. Le général en chef obligé de suivre le cours de la campagne, ne pouvant se priver d'une portion de sa faible armée pour escorter ces prisonniers ; ne pouvant non plus laisser en liberté un nombre de troupes d'élite aussi considérable et que d'après l'exemple d'El-Arish , il était bien sûr de retrouver dans les rangs ennemis, ou ce qui était plus dangereux de voir revenir sur les derrières de son armée en marchant sur Saint Jean d'Acre , le général en chef réunit en conseil les principaux généraux de son armée et il fut décidé que l'infraction aux lois de la guerre dont la garnison d'El-Arish s'était rendu coupable et que la garnison de Jaffa avait partagée en les admettant, devaient être punis suivant la rigueur des lois militaires. Dans ce conseil étaient entre autres les généraux Alex. Berthier , Kleber, Lannes, Bon et Caffarelly.
On partagea en deux bandes de 1500 ces 3000 prisonniers. On les conduisit au bord de la mer. La première fut fusillée sans qu'il s'en échappât un, et la seconde prévoyant le sort qui l'attendait se révolta en chemin et parvint à désarmer un certain nombre de soldats français. Ce fut même une espèce de combat et il s'en sauva environ douze cents . L'on sut d'une manière positive qu'ils se réfugièrent à Saint Jean 'Acre. Avant de se décider à cette mesure extrême, la délibération fut très longue et ne fut prise qu'après la certitude que le salut de l'armée française en dépendait.
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