Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
8 juin 1817
La démission a été datée. Le grand Carb... et moi ne manquons à rien. (ligne ajoutée à l'envers en début de lettre)
Comme tu m'as grondé mon cher ami, dans ta lettre du 3 juin. M. M. a raison, tu es un juge beaucoup plus sévère qu'elle, et j'aime beaucoup le mot de formidable qu'elle a employé en parlant de ta seigneurie ; au surplus elle m'a écrit une lettre charmante et si tu continues à gronder, je n'écrirai plus qu'à elle. J'ai reçu aussi une lettre bien aimable de lord W. qui me dit espérer qu'avant que les roses de mon jardin soient passées, mes deux aimables fils et leurs épouses m'entoureront de leurs soins et se trouveront à ma table hospitalière ; enfin sa lettre est si bonne si charmante que papa l'a gardée en disant : Voilà des détails ! celui-là; nous savons ce qu'il fera dans 15 jours, ce n'est pas comme notre pédant . Si par hasard, tu devines quel est notre pédant, engage-le à pardonner la familiarité.
Oui, sûrement ma lettre du 31 pouvait être d'une personne irritée, car je le suis fort ; ce qui est personnel me touche peu, il y a longtemps que j'ai sauté par-dessus moi pour ne sentir que ce qui t'est relatif ; je te l'ai peut-être déjà dit, mais il y a des gens que j'aime et qui ne s'en doutent pas ; seulement parce qu'ils m'ont demandé de tes nouvelles pendant que tu étais à l'armée, d'autres à qui je ne pardonnerai jamais parce qu'il m'est revenu qu'ils avaient fait quelques mauvaises plaisanteries sur ton compte. J'admire ton superbe dédain sur la méchanceté ; moi, je me fâche, je garde rancune, et si je te ressemblais, je me trouverais une Romaine comme les oies du Capitole . Non, jamais je ne pardonnerai à M. d'Os... et à bien d'autres ! A moins qu'ils ne se noient pour me faire plaisir.
Vous ne me dites seulement pas à qui il faudra adresser mes lettres quand lady Holland sera partie, apparemment que vous ne vous souciez pas de ma correspondance. Ah ! Si vous avez grogné je suis fort décidée à vous le rendre aujourd'hui.
J'ai revu M. Webster, il a fait les voyages des environs de Paris qu'il trouve superbe ; il ne sait pas du tout qu'Holland House va voyager ; il dit que tu es le seul Français contre lequel lord K ne devrait pas avoir d'objection, enfin il est très bien.
J'ai pris en résolution d'adresser mes lettres à Palmella toujours par le courrier de M. Stuart. Mme de Coigny qui est parfaite pour toi, a écrit à lady (Je ne sais pas écrire son nom , enfin la mère de lord Yarmouth) qu'elle était charmée de ton mariage et qu'elle espérait que lord K. finirait par se raccomoder avec toi, et ne pas déshériter sa fille, que tu étais dans une exception unique, que tu avais donné ta démission au Roi dès 1814. Que tu n'avais trompé ni trahi personne, que peut-être on pouvait tout au plus te reprocher une reconnaissance exagérée, mais que cette faute, si c'en était une, était si rare, et provenait de si nobles sentiments qu'on devait t'en estimer ; et que tu y ajoutais d'être le plus agréable et le plus aimable du monde. La mère de lord Yarmouth a répondu fort sèchement : Je ne suis point de votre avis sur le retour de lord Keith vers sa fille, et je crois qu'il tiendra sa promesse. Je ne connais point du tout le général Fl... je l'ai rencontré deux fois par hasard, et elle a parlé d'autres choses , mais en aigre-doux. Dis cela à M. M. car on dit ici que M. d'Os... a mis en avant une volonté plus considérable que celle de lord K. Peut-être M. d'Os... a-t-il aussi fait parler des gens qui n'avaient montré qu'une humeur toute explicable contre un étranger, mais qui n'avaient point chargé cet ambassadeur de lui nuire. Enfin il est bon que M. M. sache cela, et juge d'où vient l'orage, mais qu'elle n'en compromette pas Mme de Coi...
Adieu Pekin (?) tu m'as tant grogné dans ta lettre du 31 que j'ai envie de ne pas finir comme toujours par te dire que je t'aime plus que ma vie, et que je n'existe que pour toi. A demain, je t'ai voulu écrire un petit mot d'avance aujourd'hui. Dis à Palmella que papa a reçu une lettre de la comtesse de Linarès qui croit que l'insurrection de Fernambouc n'aura pas de suite. Elle écrit de Lisbonne, ainsi il saura cela, mais dis-le lui toujours.
Es-tu content de la repasseuse ? C'est une bonne fille qui sait son état en perfection. Les robes sont parties et si elles arrivent sans être chiffonnées, les trois de parure sont fort jolies. Cette Jeanne qui m'avait plu en pièce ne m'a point paru garnie assez étoffée, mais Mme C. m'a dit que c'était la dernière mode.
Lady Morley (?) est toujours à la campagne ; la marque de défaveur d'avoir refusé l'autorisation a éloigné un peu les oiseaux qui me revenaient, mais le moindre petit succès les rapprochera. Ce n'est pas d'elle dont je parle.
Lord W. vivra-t-il avec la mère Rowdon (?) C'est une personne qui me paraît beaucoup aimer sa fille ; mais elle est si bavarde qu'on lui désirerait de prendre du tabac pour être un petit moment sous entendu le son d'une voix monotone. Je n'en crois pas moins que lord W. sera fort heureux, d'abord il l'est par son caractère, et puis la personne qu'il épouse est charmante.
Papa, pour sa satisfaction particulière te prie de nous mander quel tour lady H. t'a joué.
Pour le coup, à demain.
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