Madame de Souza
à Margaret Mercer Elphinstone, Countess of Flahaut, sa belle-fille
et à son fils Charles de Flahaut
8 novembre 1817
Tu es enchanteur, tu me recommandes bien de ne point parler de tes espérances de paternité, et voilà que tout le monde m'en fait compliment, Lady Holland, Son Excellence l'ambassadeur d'Angleterre, que sais-je, tout le monde, et moi, j'ai l'air d'une bête ; que de fois tu m'as donné comme cela des secrets que je gardais religieusement, et qu'à ma première sortie je trouvais dans la bouche de tout le monde, et comme malheureusement plusieurs ne voulaient pas me croire bête (réputation bien commode) on me faisait une sotte mystérieuse. J'envoie une bague à ma fille, elle me vient de la meilleure personne qui ait été au monde, l'imp. Jos. (impératrice Joséphine) Je la prie de la porter parce qu'il faut porter du rose sur soi tout le temps de la grossesse si l'on veut avoir un garçon.
J'enverrai le Camoëns à lord Landerdole par le premier courrier portugais qui partira.
Ma chère fille, voici votre chocolat, je vous en envoie peu parce que lady Holland emporte déjà tant de paquets qu'elle ne saurait se charger d'un envoi plus considérable. Je n'ose pas vous dire, car je vois que vous n'aimez pas qu'on vous en parle, combien je suis heureuse de votre situation et combien mon coeur vous bénit. J'ai été toute étonnée et toute flattée que lord Landerdole ait gardé cette tasse jusqu'à présent ; quand je la lui ai donnée, mon fils avait deux ans ; par le premier courrier je lui enverrai un Camoëns, veuillez le lui annoncer afin qu'il ne croie point que c'est un oubli si le sien n'arrive pas. M. de Souza m'a promis d'aller en Angleterre pour le temps de vos couches ensuite nous reviendrons tous voir mes roses et je crois sans inconvénient pour Charles.
Je vous embrasse tous deux de tout mon coeur. Lady H. dit que vous auriez dû faire part de votre état à lord K. avant que personne l'eut su. Moi je ne dis rien, je lève seulement mes yeux au ciel pour qu'il comble de bonheur mon fils et ma fille et je serai bien joyeuse d'être grand' mère. Etes-vous toujours à Howick ? On dit que la fièvre scarlatine y est, Dieu en préserve mes enfants et que ces bons et excellents lord Grey et lady Grey ne soient pas inquiets des leurs. Ménagez-vous bien, ma chère fille, faites-vous soigner pendant votre grossesse afin d'avoir des couches moins douloureuses et puis ne le faites pas si le médecin de chez vous ne le veut pas, mais laissez-moi vous faire tous mes radotages de vieille femme et de grand' mère. Je vous prie de porter la petite bague que je vous envoie. Encore mille bénédictions et mille voeux pour votre bonheur. Vous ne saurez jamais ni l'un ni l'autre combien ... comme vous chérir et avec quelle joie je donnerais ma vie pour vous.
Mille compliments à lord et lady Grey je leur écrirai lundi ainsi qu'à M. Frecki.
C'est moi qui ai rouvert cette lettre pour vous dire que votre chocolat n'arrivera point. Je vous l'enverrai par Mlle Fox dans deux jours.
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