Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
19 novembre 1818
Ta dernière lettre m'a désolée. Je ne croyais pas qu'un père pût pousser aussi loin la rigueur. Enfin espérons toujours. Ma chère fille, ma bien aimée fille, j'espère qu'après vos couches, vous viendrez ici passer bien du temps et soyez bien sûre de trouver en moi la plus tendre affection. Je n'existerai que pour vous soigner, vous aimer et qu'enfin à ma dernière heure vous puissiez me regretter comme une véritable mère.
Que j'ai besoin d'avoir une seconde lettre de Charles qui m'assure que votre santé n'a point souffert de cette cruauté. Que j'aime l'amiral Flemming ! C'est votre cousin, mais c'est plus encore car il est votre ami. Mme de Sévigné dit que c'est Dieu qui nous donne nos amis et le diable nos parents. Je commence à le croire, et mon Charles , je veux que tu m'appelles mon prochain puisque Dieu nous ordonne de s'aimer comme nous-mêmes , et non pas nos parents.
La dernière partie de ta lettre où tu me représentes papa se grattant l'oreille et t'écrivant à ma prière, est jolie, très jolie. Elle nous aurait fait rire si nous n'avions pas été si tristes, mais elle n'est pas juste du tout ; c'est papa lui-même qui s'est transporté à la seule idée que tu quittes ta femme étant sur sa chaise longue, mais je n'ai pas dit un mot ; au contraire, je voyais s'échapper le bonheur de te voir avec un serrement de coeur que je ne puis te dire ; tout en trouvant que papa avait raison. En vérité, je crois que Dieu l'a inspiré, car, avec toutes les bêtises que l'on débite ici sur Ste Hélène, si tu y étais arrivé en même temps, le Ré... n'aurait pas manqué d'établir à Londres que ton voyage avait rapport à cela même lorsqu'il aurait été persuadé du contraire. Laissons encore éclater cette fusée.
Donne-moi des nouvelles du pauvre chou, j'aime cet enfant quoiqu'il ne m'ait causé que des peines.
Mes étrennes pour ma fille sont parties ce matin pour Calais où elles attendront le passage de Pedro, qui doit partir très prochainement pour Londres.
Ma chère fille, je vous embrasse de toutes les forces de mon âme. Ah, mes enfants si je pouvais assurer votre bonheur par le sacrifice de ma vie, je la donnerais de grand coeur et encore ne ferais-je pas un grand présent. Car je deviens triste et souffrante. D'ailleurs au fond de mon coeur je suis comme je le dois l' ... qu'on vous fait à tous deux. J'en suis profondément blessée, mais cependant je ne prie Dieu à deux genoux que pour la santé de ma fille, et je fais bien le voeu de lui rendre en soins et affection tout ce qu'une mère peut donner.
Ma soeur devient d'une grosseur effrayante, cependant elle prétend qu'elle se sent mieux, et vraiment son visage est meilleur.
Palmella part ce matin pour Bruxelles, pour trois jours, de là il ira à Londres ou s'il revient ici ce ne sera que pour ... barre et retourner en Albion. Mme de Mouchy est folle à lier et vient d'être mise dans une maison de santé. Tu peux me répondre sur les grandes colères de la bouteille depuis que Papa est adouci je lui ai dit que je te les avais mandées.
Mes enfants, mes bons amis, je vous aime de toutes les forces de mon âme.
Papa dit que quand ... de répondre par un voyage à l'idée qu'ont quelques parents de Marguerite, que tu ne veux pas revenir, il faut les laisser dire et que ton excellente conduite, ne réponds qu'en public, du reste sors de ta tête tous ceux de la famille qui te veulent du mal. Fais ce que dois, advienne que pourra et au fait je pense que soigner sa femme dans ces temps de tribulation est ce que tu dois : Dieu veuille qu'elle ait une jolie petite fille qui aient ses grands yeux noirs. De notre côté ils sont petits quoique jolis. Un dernier point, je n'en rabats rien.
Adieu encore mes chers enfants. Dumont est arrivé ici avant-hier, bien malheureux.
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