Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
19 septembre 1818

Ma lettre ne partira qu'après-demain mais je commence dès aujourd'hui à t'écrire pour te dire combien ta lettre du 10 m'a affligée. Comme cette bonne et chère Marguerite est encore souffrante. Ne serait-ce un commencement de grossesse ? Alors quoiqu'en dise le Dr Hamilton, il faudrait qu'elle ne quitte pas sa chaise logue, que l'époque de ses fausses couches ne fut passée, et malgré la faiblesse, il faudrait qu'elle se fît soigner entre le quatrième et cinquième pour détourner la colonne de sang. Dès que cette ... sera de retour de la campagne ou ... je vous enverrai ma chère fille, un emplâtre qui fortifie, bien qu'en le gardant sur les reins tout le temps de sa grossesse, on ne fait jamais de fausse couche. Il faut croire ce ...-là , ou la malédiction du ciel et de la terre est de n'avoir point d'enfants. Je serai bien triste de ne point vous voir aussitôt que je l'espérais, mais la joie que me donnerait ... être grand' mère me soutiendrait. Cependant voilà trois années perdues sur un âge où le temps me paraît précieux ; vous, mes enfants, vous en avez à revendre, mais moi au bout de ma ... des points noirs. Laissons cela, ménagez-vous, soyez gais...
Ma fille, je vous ai envoyé, adresséà Mme de Palmella 6 paires de souliers. M. Frecki a dû vous faire passer hier votre douillette et votre 6ème chaise. Il a exigé que la douillette fut ramenée dans un si petit paquet que Mme ... prétend qu'elle ne sera pas portable . Il faudra que votre femme de chambre la repasse et repasse bien longtemps pour éviter tous ces faux plis ; enfin elle sera chaude, voilà l'important car je l'ai bien recommandé ainsi.
Je suis occupée dans ce moment à faire un écran qui sera très beau.
Comment est le salon de Meiklour ? Il y a-t-il des places pour des canapés, et de quelle grandeur doivent-ils être ? J'entreprendrai peut-être après cette longue besogne. J'ai un roman que j'ai laissé là pour ma tapisserie, ma santé, mon humeur s'en trouvent bien ... On commence à travailler en s'occupant des choses qui affligent et puis en comptant ses points, on ne pense plus à rien du tout ; à mesure que cette aiguille avance, l'esprit se calme, s'éteint, c'est comme une pendule qui s'arrête. C'est J.J. Rousseau qui a écrit que le travail des mains rafraichissait l'esprit, il n'a jamais rien dit de plus vrai. Aussi je vous quitte aujourd'hui pour mon malheur mais je vous reviendrai demain ; peut-être serai-je un peu moins triste .
Mes enfants c'est parce que je vous aime de toute mon âme que je suis triste de ne pas vous voir. Cependant peut-être est-ce plus heureux pour vous d'être... C'est ce qu'il faudrait opposer à tout ce qui contrarie.Mais que la raison est difficile, que le courage est douloureux, enfin j'ai besoin de courir vite à mon ouvrage car je suis d'une tristesse, d'un découragement qui me jetteraient dans les pensées à m'aller noyer.

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dernière modification : 26 décembre 2019
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