Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
31 août 1818
Voilà trois courriers que je n'ai pas de tes nouvelles mon cher enfant, cela dérange toute ma joie, car j'éprouve déjà un plaisir bien vif en arrangeant la maison, juge ce que me sera d'entendre ta voiture et de te voir paraître. Ma chère fille, vous êtes aussi pour moitié dans la joie que j'éprouve ; je compte me précautionner d'un grand éventail, et je ne vous découvrirai ma respectable figure que peu à peu, d'abord pour que Charles ne me trouve pas trop changée, et que vous, en me voyant vieille, ne me croyez pas grognon. Nous avons ici les comtes Finckel et Palmella ; le premier est d'une gaieté admirable, et cela a remis un peu de beaume dans le sang de mon mari qui rit aussi, ce que n'avions guère fait depuis l'absence de Charles. Lord Glenbervie m'a écrit que lady Perth venait à Paris, est-ce vrai ? Ce pauvre lord Glenbervie m'écrit une lettre fort triste, en vérité, il est bien insensé de vouloir vieillir car, si l'on n'y fait une constante attention, l'on devient à charge à soi-même et quelquefois assez affligeant pour les autres.
M. Frecki ne pèse pas une plume pour moi, je suis fort triste, il paraît que ma pauvre soeur devient hidropique ; Moreau l'a vue, la croit sans remède, mais espère que cela pourra être fort long. Cependant, que de souffrances elle a devant elle ! Pour elle, qui je crois, connaît son état, elle est aussi calme contre la maladie qu'elle l'a toujours été contre le malheur. Ah, que la vie est triste ! Et l'on craint la mort ! Et les dévôts vous menacent de l'enfer ! Moi, je crois que nous y sommes sans nous en douter.
Adieu mes chers enfants, j'ai le coeur si triste que je ne vous en dirai pas davantage aujourd'hui ; d'ailleurs, je ne sais pas écrire quand je n'ai pas de lettres.
Casimir va partir pour Londres. Je ne sais ce qu'il y va faire. Hume voudrait qu'il prît les eaux de Cheltinken (?) (je ne sais pas si je fais pas là quelque faute grossière) Ce qui est sûr c'est qu'il paraît menacé d'apoplexie et personne n'ose le lui dire. Il n'est plus question de duels depuis huit jours. Mais le col. Favier a cependant reçu une belle lettre anonyme en latin qui le menace encore. La duchesse de Vicence se croit grosse, entre nous, il me paraît que la vie de la campagne n'est point du tout son fait et ne la restaure pas.
Voici un petit quatrain qui a été affiché presque partout le jour de l'inauguration de la statue d'Henry quatre, tu sais qu'elle a été faite sur deux appels aux Français pour souscrire.
A l'appel j'ai su répondre ;
J'ai payé pour Henry le Grand
Pour ses neveux j'en fais autant
S'il s'agit de les refondre.
Mais mon Dieu que cela me fâche de n'avoir point de lettres de vous, monsieur et madame, aussi finirai-je sans vous dire que je vous aime, je le sais cela me suffit.
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