Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
9 novembre 1818
Je suis bien aujourd'hui, mon cher enfant, j'ai encore été débarrassée d'une de ces fièvres du foie, ce qui m'a fait bien souffrir.
Mais m'en voilà quitte. J'ai été bien contente des bonnes nouvelles que tu m'as données de Marguerite, mais qu'elle n'abuse pas de sa santé au bout des 3 semaines fixées par le Dr Hamilton. La soeur de Mme Deguys vient de faire une fausse couche à huit mois pour avoir pris du froid ; elle se portait à merveille, était engraissée, rafraîchie, et elle a perdu son enfant. J'espère que vous serez plus heureux. Je lui ai envoyé hier par le courrier Portugais des soies plates, pour ses chaises, du canevas, un écran de mon ouvrage et le modèle d'un bonnet de nuit.
A qui appartient le Schall noir et à qui dois-je le renvoyer ? Le raccommodage coûtera 36 francs. Si Marguerite n'est pas contentes des 60 bobines que je lui ai envoyées avec les chaises blanches et roses, elle n'a qu'à me les renvoyer, je les changerai pour la couleur qu'elle m'indiquera.
Les affaires finies, j'entrerai dans la consternation que m'a causée la déplorable fin de Sir Samuel Romilly , comment l'a-t-on laissé seul une minute, quel regret éternel pour sa fille, pour ses amis ! Quelle perte que cet excellent homme ; et 7 enfants abandonnés sans père ni mère pour les soigner ; je ne puis t'exprimer la douleur qu'en a éprouvé M. Gallois , il pleurait comme un enfant lui-même. Les Lessert dont Sir Samuel et sa femme étaient amis intimes sont réellement désolés. Mais je ne veux point m'arrêter sur toutes les pensées tristes qui m'arrivent ma chère fille ... mes lettres et je ne lui voudrais que des idées couleur de roses ; cependant il faut que je dise un mot sur cette abominable Mme Frederick que Frecki excuse en disant : Que faire à la campagne ? Ils étaient là tout seuls, elle n'entendait que lui, ne parlait qu'à lui, enfin il fait d'un air sentimental un roman si scandaleux par le trop d'indulgence que je ne veux pas en salir mon papier. Tout ce que je te puis dire, c'est que ses maîtres en rendaient le meilleur témoignage, qu'ils la regrettaient beaucoup et qu'elle avait l'air si timide que j'étais étonnée même qu'elle eut été mariée et eut trois enfants. Cette histoire me désole et j'ai bien vu par la lettre de ma fille qu'elle en était très fâchée, et cela m'a désolée, désolée. Ma très chère fille, excusez-moi et pardonnez-moi, je vous assure que j'avais pris toutes les informations possibles . Je crois que je battrais Mme Frederick si elle paraissait dans ma chambre tant je suis fâchée.
Il partira dans huit jours un tableau que je vous destinais pour vos étrennes. Si Charles veut venir ici, je le prie instamment d'attendre l'arrivée de ce tableau près de vous et puis je n'en dirai pas davantage ; quand je pourrai sortir, j'irai revoir ce Vatteau, mais j'exige qu'on ne dise jamais que c'est moi qui l'ai ni acheté, ni envoyé. Cela nous ferait tort. Je vous embrasse de toute mon âme, mes chers enfants et je vous quitte parce que d'écrire me fatigue un peu. Cependant je suis en pleine marche de guérison.
Gabriel a écrit à son correspondant de Rouen, et du Havre, pour savoir quand il partirait en vaisseau pour Leille et on l'avertira.
Ma chère fille, demandez à votre docteur une petite médecine pas trop mauvaise qu'on puisse prendre tous les soirs pour une bile qui ne coule jamais que par des marque factices.
retour à la correspondance de Mme de Souza-Flahaut