Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
17 janvier 1819
Je suis mieux mais d'une si grande faiblesse qu'on ne sent pas mon pouls. Du reste point de fièvre et presque plus de douleurs. Voilà sur ma bonne vérité mon état mes chers enfants.
Que dis-tu des 30 ou 40 graines de calomel dans les 24 heures ?. Mais mon enfant, tu voudrais donc que je perdisse toutes mes dents et mon peu de raison. Dieu te préserve de faire autant d'usage du calomel, cela fait lever les épaules à Moreau et tousser madame ta mère . D'ailleurs l'inflammation de mon foie était telle que ma bouche et ma pauvre langue ont été dépouillés et il ne restait pas de peau sur ma langue et je ne pouvais parler. Si j'y avais ajouté la moindre invitation, j'étais perdue. Hors certes, je veux vivre jusqu'à ce que mon âge résiste mes chers enfants et que j'aie béni ma petite fille. Ce sera un garçon puisqu'elle se donne déjà tant de mouvements. L'eau des veaux dont tu te moques me paraissait de l'eau de vie, enfin j'ai bien cruellement souffert, à ce pauvre Flemming, à ma pâleur, croira que je me suis enivrée d'eau de poulet.
Tu as dû recevoir une lettre de Baring qui répond à tout ce que tu écris à papa, qui t'écrira aussi jeudi car il est en course aujourd'hui.
Mon enfant, je t'en supplie, ne prends pas tant de calomel et de ... Si tu as encore tes dents et si elles ne sont pas jaunes comme si tu avais cent ans. Le cher B. dit qu'on guérit le foie mais que le ... attaque d'autres viscères. Et c'est un Anglais de 80 ans qui est frais comme une rose qui dit cette grande vérité.
Ma chère fille, c'est par vous que je finirai après avoir si ennuyeusement parlé de moi à mon fils. Que je suis heureuse que votre santé soit aussi bonne. Moi, Charles et votre enfant vous devons la reconnaissance pour le courage avec lequel vous avez supporté les souffrances de cette grossesse et l'ennui de cette éternelle chaise-longue, moi qui mets mon bonnet de docteur pour conseiller, je ne sais pas si j'aurais eu la patience de garder cette chaise-longue, enfin je vous admire et je vous en bénis.
Lady Hamilton m'a fait avoir une robe d'enfant de lady E. Mervart (?) ainsi les vôtres seront bien à la mode anglaise, mais il n'y en aura que trois dans ce que vous m'avez envoyé. J'en ai fait faire deux autres en mousseline à notre mode et j'espère qu'elles vous plairont.
Adieu mes bons amis, mes chers enfants, je ne puis en écrire davantage, je suis trop faible encore. Que nous sommes de pauvres machines, je ne puis ni parler, ni entendre parler, enfin j'ai été aux abois et j'accorde que la convalescence d'une maladie traitée à l'eau de veau est triste et longue.
Frecki demeure rue Blanche n° 21 Il y a 6 mois que je n'ai vu M. de Montrond , ainsi je ne puis lui donner tes instructions pour Flemming, mais Frecki y suppléera . Dieu veuille qu'il ne l'entraîne pas en salon, car mon favori Flemming a le coeur brûlant mais la tête... Au surplus j'ai envoyé ta lettre au courrier. Je crois que Stanislas G... va avoir une préfecture. Baring a du l'écrire hier.
Adieu mon excellent fils, je te bénirai à ma dernière heure, mais j'espère bien t'avoir vu et embrassé auparavant et même d'avoir vu mes enfants.
M. de Souza ne veut plus que je travaille au métier ma chère fille. Ainsi les fauteuils que je vous avais commencés ne seront pas finis, j'en suis bien fâchée. Je vous embrasse de toute mon âme.
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