Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
28 janvier 1819
J'avais placé chez Mme Demidoff une certaine demoiselle mariée dont tu m'as vu m'occuper ; elle sait très bien faire les modes, et les robes, et d'ailleurs peigne très bien. Elle est très fidèle, très honnête, son seul défaut est d'être lente, voir si ce défaut est compatible avec ma fille. Alors je te l'enverrai tout de suite. Je réponds des modes et des robes, mais pour le peignage, c'est elle qui me l'a dit ; le fait est que c'était elle qui coiffait toujours Mme Demidoff qui était excellente au fond, mais qui avait une vivacité qu'on peut bien appeler le grand diable, et qui était très difficile pour ses cheveux. Si ma belle-fille la veut, je crois qu'elle en sera contente, sauf la lenteur, cependant elle m'a paru un peu plus délibérée depuis qu'elle a été secouée par Mme Demidoff. L'autre ne veut pas sortir de France à cause de sa mère. J'aime qu'on aime, les mères aussi, je ne l'ai pas autant gagnée que mon humeur contre elle m'en donnait l'envie .
Je n'ai reçu que le 26 soir ta commission pour Frecki, ainsi je ne l'ai vue que le 27 et nous sommes convenus de nos faits pour aujourd'hui 28.
C'est le général La Tour Maubourg qui est nommé pour remplacer M. d'Osmont, malheureusement l'Europe présente beaucoup de jambes de bois ainsi j'espère que la sienne lui offrira plus de raison d'estime que d'éloignement. Il est frère de Mme de Villeneuve, amie de Mme d'Arblay, ce qui me fait imaginer qu'il sera d'abord introduit chez Lord K. où je suppose qu'il parlera de toi si l'occasion s'en présente, avec l'estime que je lui ai toujours vu professer pour ton excellence, mais je ne l'en préviendrai ni ne l'y engagerai. Car à moins qu'il n'ait l'habileté infuse des Maubourg, je ne crois pas que son adresse s'étende par-delà la famille ; mais je crois à sa loyauté, car au milieu de tous ces abandons d'amitiés, il est toujours resté fidèle, à M. de La Fayette par exemple, et à tous ses amis.
Le général Andreossy est nommé ambassadeur à Constantinople, ce qui fait jeter les hauts cris aux ultras. C'est un pair des Cents-Jours. Le général Fata (?) est un peu piqué de se voir oublié mais peut-être attrapera-t-il quelque chose ; cependant j'en doute, ceux dont il s'est éloigné ne le lui pardonnent pas ; et ceux qu'il a courtisé, révérencié, n'en veulent pas.
Croirais-tu que le comte Molé a eu la bassesse de demander à ce nouveau ministère l'ambassade d'Angleterre, mais Sir Charles Stuart a insinué qu'il ne plairait pas (ceci entre nous trois) Il en a été de même pour M. d'Alberg. Il paraît que M. de Jaucourt qui avait été mis sur les rangs et qui y aurait fort convenu, a été éloigné par la crainte que sa femme étant une divorcée, n'éprouvât quelques désagréments. M. de Caraman sera rappelé de Vienne; on ignore encore qui lui succédera. Mme de Bassano qu'il a fort persécutée en Autriche, le travaille ici d'une jolie manière. Et même avant le départ de M. de Richelieu, ayant été conduite chez lui par M. de Semonville, elle lui a raconté toutes les persécutions qu'il avait fait éprouver à tous les bannis et M. de Richelieu n'en revenant point a fini par la prier d'être bien convaincue que ce n'avait été ni par les instructions, ni d'après les intentions du gouvernement français.
Actuellement, ma chère fille, je reviens à vous. Je me suis d'autant moins plainte de ce que Monsieur de Lieven n'avait pas invité Charles chez lui, que le premier mot de Mme de Nesselrode a été pour me dire qu'il n'était sortes d'éloges que Mme de Lieven n'ait fait de Charles, la veille chez elle, et cela avant que j'eusse vu Mme de N... . Elle ... simplement de M. d'Osmont dont j'ai parlé avec indignation, c'est je crois le seul homme que je déteste et j'ai fort bien dit et expliqué que c'était uniquement la faute de M. d'Osmont ; au surplus j'en ai parlé de même avec le plus souverain mépris à lord Castlereagh qui est venu me voir une fois pendant son séjour ici. Ce qui me regarde seul s'efface, mais ce qui regarde mes enfants ... , au lieu de s'effacer et je suis comme (sauf comparaison) comme le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, je hais jusqu'à la troisième génération ceux qui ont été mal pour Charles. Cele jamais je ne le pardonnerai, mais ceux qui l'ont aimé dans le malheur, et c'est vous ma chère fille, je les honore, les adore, et donnerais ma vie pour eux.
Mes chers enfant, je vous embrasse de toute mon âme.
Je crois que le duc de Vienne qui te fait mille compliments va avoir le plus grand chagrin, son excellente mère est bien mal. Baring a dû t'écrire. La maison Gabriel est en très bon état. C'était la peur qui faisait tout craindre.
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