Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
6 mai 1819
J'ai reçu ta très petite lettre du 24 et les manches (?) du 21 arrivent ordinairement 11 jours avant d'accoucher ; enfin je sais bien bon gré à ma fille d'en avoir eu quelques velléités le jour de ta naissance, Moreau me dit bien de te recommander si elle se fatiguait de lui persuader d'être accouchée de force, que c'est la plus petite opération du monde, et que cela vaut cent fois mieux que de laisser épuiser la mère et fatiguer l'enfant. Tu es né comme cela ; ainsi tu vois que mère et enfant se portent bien.
J'ai été ce matin chez trois juges demeurant aux trois coins les plus distants de Paris. A commencer par le Jardin des Plantes . L'un d'eux, ultra, m'a dit d'un air goguenard : Vous êtes Mme de Fl... - Oui, Monsieur. - Vous avez acheté votre maison de M. Franklin ? - Oui, Monsieur. - Avec le fils du célèbre amoureux de la liberté ? - Oui, Monsieur. Hé bien, Madame, il vous donnera des forêts en Amérique. - Monsieur, si j'y avais voulu des terres, j'en aurais acheté moi-même, et j'aurais mieux fait d'en avoir là qu'ici, puisqu'après avoir rempli toutes les formalités voulues par la loi, l'on me fait un procès. - Mais, Madame, nous ne sommes juges qu'en 1ère instance, nous sommes des médecins qui blessons mais ne tuons pas. - Mais Monsieur, si les médecins blessent, la nature guérit, et dans ce cas, la loi doit remplacer la nature. Enfin, je suis partie désolée. Deux autres ont été parfaits. Mais mon côté se ressent de ces fatigues, j'étais levée à 6 heures et demie, aussi n'ai-je que la force de vous embrasser de toute mon âme, mes chers enfants. Mon Dieu que je serai heureuse d'apprendre l'accouchement de ma fille.
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