Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
10 août 1820
Que je te remercie mon bon ami, mon fils qui m'est si cher ; que je te remercie de ta bonne lettre du 3. Elle m'a fait pleurer mais du moins ces larmes étaient douces et m'ont fait du bien. Je suis très contente que ma fille revoie son père, cela doit leur faire du bien à tous deux. Tu ne l'as donc pas vu ! Enfin, une difficulté après l'autre . C'est ainsi que les hommes usent ce peu de jours qui leur est accordé.
J'embrasse tendrement ma gentille Emilie ; tous les matins je pense à elle, j'entends sa douce voix m'appeler maman car ce petit quart d'heure était bien tendre entre nous ; et quand Mme Fleury la soulevait du jardin à ma fenêtre, la pauvre petite me criait, me baisait sa petite main, me faisait toutes ses petites grâces qui m'ont laissé un si vif souvenir qu'il n'y a pas de matinée où je n'y pense, que Dieu la bénisse s'il écoute mes prières.
As-tu reçu ma petite lettre que je t'ai écrit par le courrier portugais et ma fille a-t-elle reçu ses paquets que j'ai portés moi-même chez M. de Marialesa (?) A-t-elle reçu aussi une lettre que j'avais chargée Mme Henry de lui remettre ? Je suis surtout inquiète des paquets.
Mon roman paraîtra lundi. M. Siméon remettra au Roi un bel ex. ce jour-là dont la reliure coûte un louis, ce qui ajoute au mérite de l'ouvrage.
Je viens d'écrire à Sir Charles Stuart pour lui demander la permission d'en envoyer un ex. à ma fille par son courrier. S'il me l'accorde, elle le recevra en même temps que cette lettre. Sinon il paraîtra à Londres dans le courant de la semaine et mon amour-propre le recommande à lady Jersey. J'ai lu toutes les phrases sensibles de votre courrier sur l'humble soumission dans laquelle la reine devrait se renfermer, cela m'a rappelé une bête d'histoire de ton enfance ; tu avais cinq ans, tu frappais à droite et à gauche et je t'avais promis le fouet la première fois que tu battrais quelqu'un, l'habitude l'emporta ; un jour où tu étais retombé dans cette faute, je voulus te fouetter, tu étais déjà très fort, je ne le suis pas beaucoup, tu te démenais comme un vrai démon et je ne pouvais parvenir à t'infliger ta punition ; je ne pouvais même te déshabiller (en été ce sera bien plus commode) enfin, une vieille bonne qui me respectait beaucoup et qui te voyait te tortiller, te dit : Mais monsieur, tenez-vous donc, voyez donc la peine que vous donnez à madame votre mère ! Les rires que cette bêtise me fit faire te sauva, tu ignorais mon pauvre ami que j'avais frappé à côté.
Gabriel est tout à fait brouillé avec la barbe bleue et cela le sauvera peut-être de la coquetterie de Mme P... Il se déshonore, finira par se distraire, et peut-être même par s'attacher. Il dit que non, mais sa jeunesse criera plus haut que sa raison.
Je m'arrête pour parler à ma fille. L'ambassadeur me fait dire à l'instant qu'il se charge de mon paquet. Voilà donc ce grand oeuvre, ma chère fille, je vous supplie qu'il n'y ait que lady Jersey et lady Gwydir qui le lisent car j'ai promis à à Bassange que je n'en enverrai point en Angleterre tant il craint que ceux qui l'auront lu ne l'achètent point (c'est flatteur pour moi) et il redoute surtout les contrefaçons mais si ces deux dames veulent le mettre à la mode, je crois qu'il gagnera beaucoup à la petite infidélité que je lui fais. Lisez-le encore comme...
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