Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
23 décembre 1820
Quand tu m'écriras, je te supplie, ne parle point de ces 659f 7s, car lorsqu'à la fin de chaque mois papa ne voyait que 30 ou 40 francs, il ne trouvait cela que bien. Mais lorsqu'au bout de 15 mois je lui en ai fait l'addition à l'occasion d'une discussion d'économies, sur son petit livre rouge, je l'en ai vu si embarrassé, il avait même l'air de regretter, d'être presque honteux des privations que j'avais dû m'imposer. Et je suis sûr qu'il serait affligé que tu les connusses, aussi je ne te le dis que pour te prouver que tu peux reprendre ta sévérité. Lorsque je me les suis imposées, sans jamais en dire un mot pendant 15 mois, où puis-je penser compter sur mes résolutions, et quand je reconnais que je n'ai le droit ni de m'en vanter ni de m'en plaindre, je pense aussi que j'ai le droit qu'on puisse aussi compter sur ma parole, et une de celles que je me suis donnée, c'est que je vivrai ainsi tant que Dieu me laissera en ce monde. Encore aurai-je dépensé moins si le respect humain ne m'avait forcé à avoir un ou deux jolis bonnets, car je dois à mon nom d'être extérieurement comme tout le monde. Mais laissons tout cela.
J'ai été hier passé la soirée chez la duchesse de Plaisance. Mme de Dinau y est venue, elle était fort jolie, et paraissait assez embarrassée en me voyant, je ne comprenais pas trop pourquoi lorsque deux minutes après son arrivée l'on a annoncé M. de Boisgelin. Elle a rougi et m'a aussitôt regardée comme si elle voulait s'assurer de ce que j'en pensais, elle a bien tort, si elle croit que je me permettrais le moindre mot qui put affliger personne.
L'on nous a donné la nouvellle que Monsieur le duc de Bordeaux serait baptisé avec de l'eau du Jourdain, rapportée par M. de Chateaubriand à son voyage de Jerusalem ; c'est Sostène de la Rochefoucault qui a eu cette grande idée, et qui a décidé la cour.
Auguste devient de plus en plus charmant. Il a fait un thème ce matin tout seul, et si bon que M. G. a cru qu'on l'avait aidé. Je lui ai fait donner un répétiteur à son école qui le prend une heure et demie seul et le fait travailler. Je vais lui faire ôter son maître de danse pour lui donner un maître de dessin. Enfin j'espère qu'à ton retour tu seras content de ses progrès.
Je vous embrasse, mes chers enfants, de tout mon coeur et je vous souhaite bien d'être heureux.
Le Maréchal Soult était hier chez M. de Plaisance. Sa femme m'a demandé de tes nouvelles, c'est elle qui ayant une maison contigüe avec Mlle Bourgoin lui écrivit pour des difficultés de voisinage et signa sa lettre Elisabette de Dalmatie, à quoi l'autre répondit en signant : Iphigénie d'Autriche. Le Mael (?) nous a dit en parlant de la reine : J'ai passé beaucoup de temps à Brunswick et d'après tout ce que j'ai su, c'est une femme d'une conduite déréglée, ayant un langage vulgaire, mais d'un grand coeur, et capable plus qu'aucun homme que je connaisse de marcher à la tête d'une révolte et de se faire tuer dans une émeute..
Mais pour le coup, mon papier fini, adieu et God bless you tous les quatre. Le titre de mon livre est : réveil chronologique (?) l'histoire de France depuis 1887 jusqu'en 1818.
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