Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
25 juin 1821
Il fait un vent du nord qui me dessèche, et moi qui pouvais me vanter d'avoir une humeur assez égale, j'ai toutes les peines du monde à ne pas m'irriter dès qu'on me dit un mot. Je pense avec tristesse combien ma pauvre Marguerite doit souffrir par ce temps dont je n'ai pas vu d'exemple dans cette saison et d'une manière prolongée. Les roses n'en fleurissent à peine. En parlant de roses, je vous dirai que le rosier mousseux simple qui a fleuri dans l'année dernière, est cette année du rose le plus vif, que vous m'aviez donné pour être blanc, c'est un phénomène dont je voudrais bien qu'on me rende compte.
J'ai lu les discours de M. Lachmann ; on doit lui savoir gré de l'intention, mais je crois qu'il aurait pu dire davantage. Je vais vous copier quelques lignes d'un livre qui est sous mes yeux et qui je pense attireraient l'attention des ... s'ils les connaissaient :
"Faites des voeux pour que la fièvre chaude héroïque de l'Europe se guérisse bientôt, pour que le triumvirat se détruise et que les tyrans de cet univers ne puissent pas donner au monde les fers qu'ils lui préparent." (lettre)
Demandez-moi quel est le libéral qui s'exprime ainsi ? Je vous répondrai : Cherchez, et puis quand vous serez à bout, je vous dirai que c'est Frédéric le Grand qui écrivait ainsi à Voltaire le 16 janvier 1758. Vous voyez que dès lors les saintes alliances étaient redoutables. Du reste, Voltaire qui avait beaucoup plus peur du ministre de son Roi que de considération pour ce souverain étranger, lui répond : Ne me brouillez pas avec le duc de Choiseul dans vos ... Et sur ce, je présente à votre Majesté mon respect et je prie honnêtement la divinité qu'elle donne la paix à ses images" 15 avril 1758
Je voudrais que la première citation fut tombée sous les regards de St ... et je trouve que cela aurait terminé son discours admirablement.
On dit ici qu'il y a un Rgt hongrois qui s'est fait carboneri. J'ai encore vu Mme de Dinau samedi, elle me fait toujours les plus gracieux sourires mais, on ne peut guère lui parler, car c'est convenu que de laisser une petite chaise près d'elle à M. de Bourgelin, et là ils chuchotent ensemble toute la soirée. Voilà ce que c'est que d'avoir un oncle qui ferme sa porte à celui dont elle aime la conversation ; il a établi ainsi ce qui sans lui serait resté douteux.
Mme de Case est très heureusement accouchée d'un petit garçon grand comme un éventail, et qui vivra en dépit de tous les pronostics de la médecine.
C'est pour amuser Marguerite que je vous écris cette gazette ; mais adieu, mes chers amis, puisse la chaleur revenir, et rendre à tous deux la joie de la santé. Je vous quitte pour me remettre à l'ouvrage. L'histoire est si peu vraisemblable qu'il n'y a que les romans qui aient l'air de la vérité.
On dit que M. de La Tour Maubourg aura le ministère où sa jambe de bois figurera à merveille, et Lauriston la Guerre. Je ne crois pas ce dernier, il y a trop de prétendants mais l'autre désire beaucoup cette honorable retraite.
Clémentine a-t-elle été vaccinée ? Où en est son nez ? Mais c'est de sa mère dont je voudrais bien apprendre l'entier rétablissement. Est-il vrai que Lady Gwydir soit inquiète de sa fille aînée ?
retour à la correspondance de Mme de Souza-Flahaut