Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils D'abord mon cher Charles, commencez à vous préparer à acheter une robe pour Mme Muron. Sa fête et ses étrennes, voilà la part que je vous ai donnée dans les ennuis de l'éducation d'Auguste. Il me la faut très jolie. Celle dont Marguerite a envoyé un morceau à Marie m'a paru charmante, excepté que je ne la veux point noire et blanc. Ce n'est pas que nous ne soyons je crois menacés d'un grand deuil très prochain car tout le monde parle du changement terrible du Roi. Sa figure est devenue très maigre et d'un rouge noir effrayant , mais les deuils de cour ne se portent point dans la bourgeoisie. Envoyez le paquet à Louis qui a déjà touché les bords de l'heureuse Albion, et il m'enverra ce paquet par le premier courrier que lui ou un de ses collègues enverra à Paris mais quelques fois ils sont rares et il est bon que le dit paquet soit là sans ses jeux, pour ne point manquer les occasions. Je n'ai pas été encore à l'exposition des produits de l'Indochine mais on dit qu'il y a de très belles choses, et particulièrement un scholl français de M. Ferneau, valant 5000 f, et plus beau que tout ce qui est jamais venu de l'Inde. M. de S... est dans un état de faiblesse et de malaise qui inquiète beaucoup Moreau, car l'hiver n'est pas encore commencé. Papa s'en inquiète aussi lui-même, il redoute l'hiver, et il m'a déjà dit plusieurs fois d'un air bien triste ma chère amie nous approchons de l'hiver ! Il est devenu d'une maigreur dont on ne peut se faire aucune idée, les dangers que son fils a couru pendant trois mois l'ont tué. Il le voyait toujours pris et fusillé, et vingt fois par heure, je le voyais frémir sans qu'il prononçât aucune parole. |